Gérer les demandes des habitant⋅es et les changements de leur cadre de vie ne peut plus se faire dans l’opacité. Les citoyen⋅nes veulent connaître les décisions prises, leurs motivations et application jusque dans leurs moindres détails.
C’est pourquoi les collectivités (commune, communauté de commune, département, région…) doivent se doter d’un système de ticket ouvert, libre, open-source et collaboratif.
Lors des formations organisées par la ville de Douai pour les conseils de quartiers, le formateur, Patrick Norynberg, est revenu sur la nature des relations des habitant⋅es avec les élu⋅es et les services de la collectivité ou des opérateurs privés mandatés par un contrat de service.
Les habitant⋅es sont lié⋅es aux élu⋅es par un contrat politique (programme, principes, vision du monde…) et aux services technique par un contrat de service.
Le rôle des conseiller⋅es de quartier est donc de fluidifier ces interactions en instituant un cadre facilitateur de la démocratie participative.
Cependant, assumer ce rôle n’est pas toujours évident et le risque est de devenir un simple passe-plat voire pire, n’être qu’une caution pour le pouvoir politique en place.
L’enjeu majeur de la participation citoyenne est que les décisions prises (ajouter/supprimer un banc, couper un arbre, fermer un parc, construire une passerelle) soient frappées du sceau de la sincérité, de la transparence et de la légitimité démocratique.
Mais en pratique, cependant, la suspicion permanente est de mise. Notamment parce qu’il n’est pas aisé de retrouver des traces de la décision prise dans des comptes rendus de conseil de quartier (quand ils sont disponibles).
Mais aussi parce que ces décisions ne sont pas toujours représentatives de la population de ces quartiers. Les conseils ont un nombre de membres limité, peu divers, à l’implication hétérogène et au dynamisme disparate selon le quartier.
Aussi, certaines décisions passent sous les radars car émanant directement d’individus lors de la permanence d’un⋅e élu⋅e renvoyant au clientélisme qui entrave le bon fonctionnement de notre démocratie.
Et enfin, les services ou sociétés privées mandatées par la collectivité peuvent parfois s’affranchir du politique ou de l’avis des habitant⋅e en faisant, carrément, comme bon leur semble.
Chaque action de la collectivité, a fortiori au nom du conseil de quartier ou des habitant⋅es, est donc une source potentielle de défiance vis à vis du processus de décision et de sa légitimité démocratique.
Une illustration récente est le retrait d’arceaux pour vélo rue de la Mairie. Être conseiller du quartier ne m’a pas permis de le découvrir autrement qu’en pensant pouvoir l’utiliser et me rendre compte de son retrait.
Au delà de la sensation d’indélicatesse, la question des motivations de ce retrait et du coût en temps et argent sont complètement éludées. Or, par un effet de vases communicants, ce sont d’autres sujets, portés par notre conseil de quartier qui sont dé-priorisés par ce type d’actions.
Nous allons demander la remise en place des ces arceaux, mais le bilan, sera ubuesque : défaire puis refaire, peut mieux faire !
Justement, une demande que notre quartier porte est notamment le remplacement des arbres coupés (place du Barlet, c’est criant). Quelle que soit la cause (pas toujours très claire), nous estimons que replanter ailleurs n’est pas satisfaisant, notre cadre de vie se trouve impacté par ces coupes et le réchauffement climatique donne encore plus de sens à leur présence, à proximité.
Un cas récent est le linéaire d’arbres de chaque côté de l’avenue du 4 septembre auquel les habitant⋅es tiennent particulièrement. Suite à de récentes coupes, j’ai dû faire l’inventaire complet des arbres coupés et dessouchés afin que notre conseil de quartier puisse demander exhaustivement leur replantation.
Cette promenade, téléphone à la main avec Google Street View ouvert pour comparer, est un miroir des demandes individuelles des habitantes depuis 2009. En fait, on constate de nombreuses ruptures du linéaire qui n’ont aucune cohérence d’ensemble particulière.
On imagine bien que par un quelconque moyen (permanence des élu⋅es, accointance avec les services…), il est possible de faire couper l’arbre devant chez soi pour plus de lumière du jour, au détriment de la cohérence d’ensemble de l’avenue et du confort des piétons en période de canicule.
Ce sont pas moins de 12 coupes détectées (entre 2009 et aujourd’hui) dont une partie est visible dans le diaporama suivant, mais aussi 13 ruptures de la continuité du linéaire qui sont certainement des coupes plus anciennes qu’il conviendrait de combler également.
Ce travail réalisé pour le conseil de quartier m’a pris beaucoup de temps et d’énergie. Mais cela en prendra autant aux élu⋅es qui vont devoir investiguer l’origine de ces coupes, mais aussi aux services qui devront rechercher dans leur historique et peut-être prendre des sanctions. Sans compter le temps nécessaire pour replanter.
Doit-on s’y résoudre ? Pas à l’aire du numérique.
Bien-sûr, il serait possible de tenir un registre consultable par toutes et tous à l’image de ceux que l’on peut voir au cimetière de Douai concernant les inhumations successives.
Mais à l’heure où chacun⋅e a un téléphone portable dans sa poche, il est bien entendu possible de faire mieux. Il existe déjà une application nommée Douai Ma Rue qui permet de remonter une information, mais celle-ci n’est pas très ergonomique et les remontées ne sont pas listables par le quidam.
Un système de ticket permettrait de recueillir ces demandes, mais aussi, aux citoyen⋅nes de les consulter, de connaître leur avancement, les réponses données par les services, voire, d’y apporter leur soutien (le fameux +1) ou désapprobation.
Mais ce n’est pas tout, comme tout système de ticket, c’est aussi un gestionnaire de tâches. Nous pourrions, sans même qu’aucune demande n’ait été formulée voir en amont les projets et tâches prévues et alerter le cas échéant si il y a un problème qui n’a pas été anticipé.
Ce serait le meilleur moyen de tirer parti de l’expertise d’usage des habitant⋅es qui se sentiraient considéré⋅es mais surtout, en confiance.
C’est également, pour les élu⋅es un excellent moyen de bénéficier du contrôle citoyen afin de s’assurer du fait que les services déclarent bien leurs interventions et vont bien dans le sens de la politique menée par la ville.
Pour les services, c’est aussi la garantie de ne pas être mis en cause à tort par des commandes politiques peu avouables.
Enfin, pour les citoyen⋅nes cela permet également de voir concrètement le temps nécessaire pour accéder à leurs demandes et d’éventuellement revoir à la baisse leurs exigences (faut-il encore brûler les “mauvaises herbes”…) ou, en tout cas, de trouver une justification au montant de leurs impôts locaux.
Il s’avère que Douai utilise un logiciel nommé "e-Colbert" (la référence à Jean-Baptiste Colbert peut prêter à sourire…). Cependant, il n’est pas open-source (on ne peut savoir comment il fonctionne, ni participer à l’améliorer) et ne serait pas conçu pour offrir un accès public aux informations détenues.
Il me semble, en tant que défenseur de la FSF que tout argent public doit uniquement servir à investir dans du code public.
Pour avoir déjà réalisé une application de maintenance et contrôle de mobilier urbain et aires de jeu lorsque j’étais à mon compte, je sais que ce n’est pas insurmontable.
C’est un projet plus risqué que véritablement coûteux pour une ville de la taille de Douai et/ou de son agglomération, mais au niveau étatique, il me semble que c’est une mission que pourrait porter Etalab.
En attendant, plus d’information et de transparence sur les travaux de voirie réalisés me semble essentiel. Le simple registre public des interventions peut être une première étape ou, a minima, un compte rendu mensuel de chaque service dans chaque quartier.
Publié le dimanche 9 avril 2023 à 17:05:00.