L’avenir du quartier Carnot-Gare se joue actuellement dans les bureaux de Douaisis Agglo. À la clé, le projet Euradouai, un nom qui n’est pas sans rappeler le fameux Euralille, présenté comme le futur grand projet initié par l’équipe autour de Christian Poiret à l’agglo.
Le projet de ZAC est présenté comme “entreprenant, connecté, vivant et verdoyant” sur le site de Douaisis Agglo. Il présente un investissement de 50 millions d’euros de Douaisis Agglo (soit tout de même 5 boulodromes, 4 patinoires ou encore 1,2 élargissements de la route départementale…).
Comme à mon habitude, j’ai décidé, sans grande conviction, de participer à l’avis d’enquête publique afin d’y apporter un peu de matière grise.
C’est un vieux sujet de la vie Douaisienne que l’enclavement de certains quartiers. Qu’il s’agisse de frontières physiques (la scarpe pour la passerelle Jean-Claude Darnal, la voie de chemin de fer dans le cas présent) ou simplement de barrière mentale (je me souviens de celle que feu Paul Pèchenart évoquait avec les habitant⋅es de la résidence Gayant qui parlent “d’aller à Douai” alors qu’iels en font évidemment pleinement parti). C’est donc une excellente idée que de remédier à cela en permettant aux habitant⋅es de la Clochette et aux futur⋅es usagèr⋅es de la ZAC de rejoindre aisément la gare et le centre ville.
L’idée de cette passerelle est également d’offrir du stationnement aux personnes qui prennent le train. Je sais, pour avoir pris régulièrement le train à Arleux, que bon nombre de fois, il est nécessaire de se rendre à Douai suite aux nombreux retards enregistrés sur la ligne Douai-Cambrai. D’ailleurs avec la fermeture pour travaux de cette ligne (contestable, mais ce n’est pas le sujet), il y a fort à parier que le report de stationnement sera d’autant plus important.
Petit aparté : selon la séquence ERC (Éviter/Réduire/Compenser), il me semble important d’ajouter un arrêt intermédiaire à chaque liaison directe (à Aubencheul-au-Bac entre Douai et Cambrai, à Libercourt entre entre Douai et Lille etc…). Cela permettrait d’éviter de se rendre dans les villes centres, déjà congestionnées, en cas de retard ou suppression du train toutes gares sans augmenter significativement le temps de trajet du train direct.
Mais pour venir à la passerelle ; la proposition présentée à ce jour a un goût de pis-aller.
Tout d’abord, un regret, le fait d’avoir écarté, d’emblée, le prolongement pur et simple, du tunnel déjà présent et que j’emprunte chaque jour non-télétravaillé pour me rendre à Lille. D’abord, parce qu’il aurait permis d’éviter des travaux sur la moitié de l’ouvrage, mais aussi, parce que les voies auraient été plus directement desservies.
On connaît la propension des personnes à préférer le chemin le plus court et comme l’illustration ci-dessous le démontre, un tunnel eût été le meilleur moyen d’inciter un maximum de gens à bénéficier de cette infrastructure, notamment pour prendre le train. D’ailleurs, un tunnel peut permettre l’installation de "tapis roulants" tels qu’on peut les observer entre les stations de métro distantes à Paris accélérant encore l’efficacité de l’intermodalité proposée.
Une passerelle sera probablement érigée, mais des défauts de conception là encore se présentent selon moi :
tout d’abord, des brisures font que la passerelle semble zigzaguer ce qui pose des problèmes de visibilité (difficile de voir si des personnes se trouvent sur la passerelle avant de s’y engager). On peut aussi s’interroger sur le fait que le chemin soit le plus direct également,
la passerelle ne sera pas couverte, étrangement, seules certaines parties semblent bénéficier de sorte de préaux disparates,
seul un côté sera muni d’une rampe, a contrario, du côté de la gare, un escalier et un ascenseur seront présents. Difficile dans ces conditions, de l’emprunter à vélo de manière pratique,
il n’est pas prévu, comme à Euralille (voir galerie ci-dessous), que des escaliers desservent directement les voies de la gare obligeant à un détour malheureux (finalement, il y aura un ascenseur desservant une des voies, cf note de bas de page).
Une partie de ces observations ont également été relevées par l’association Droit d’Vélo Douaisis ainsi que la mairie de Douai à la suite du depôt du permis de construire de la passerelle.
Plus que de créer une nouvelle ZAC, il s’agit, surtout, de développer une zone pré-existante, crée il y a plus de dix ans, mais qui n’a pas rencontré le succès attendu.
Au delà du constat, on note que la création de nouvelles ZAC (notamment l’Ermitage 2) n’était pas forcément pertinent au regard des difficultés de remplissage de celles qui préexistaient.
L’idée, plutôt que de créer un nouveau projet, est surtout de faire du neuf avec du vieux. On ne va pas se plaindre puisqu’il est évidemment plus intelligent de remplir les ZAC existantes plutôt que d’en créer de nouvelles (on a échappé à la création de la ZAC du Bas Terroir 2), dommage de ne pas avoir eu l’idée avant.
Le pari est que la création du parking silo, de la passerelle et l’installation de moteurs tels que Maisons et Cités participeront à l’attractivité de la ZAC pour les entreprises. Les faiblesses de la passerelle notées précédemment sont donc de nature à compromettre ce pari.
Un hôtel 4 étoiles sera implanté à deux pas du Volubilis, espérons que cela ne lui nuise pas. Des appart’hôtels sont également prévus dans le même secteur. Ce projet peut prêter à sourire quand on sait qu’un hôtel 4 étoiles est déjà prévu à l’ancien Hospice Général et que les travaux n’avancent pas depuis bientôt dix ans…
Un parking silo proposera 600 places au pied de la passerelle et deux autres parkings aériens sont prévus (pour 230 places). Des panneaux solaires sont prévus sur le dernier niveau du parking silo, mais la surface posée n’est pas précisée. Il faudrait que les parkings aériens soient également équipés d’ombrières afin de maximiser le bénéfice de l’occupation de l’espace de la ZAC.
Une zone est prévue pour du logement ce qui est une bonne chose afin de mutualiser les stationnements, mais les stationnements ne sont pas à proximité immédiate de cette zone, tout comme la passerelle, limitant les bénéfices de cette mixité d’usage. Une mixité qui n’est d’ailleurs pas garantie, car, selon le plan de masse, du tertiaire y est également possible.
L’atelier du Livre d’Art et de l’Estampe, issue de l’Imprimerie Nationale (devenue INGroup) se trouvera juste à côté du parking silo. Il me paraît dommage de reléguer cet équipement dans une ZAC. À mon sens, il aurait plus sa place dans le centre ville (cette remarque ayant été formulée également en réunion publique). On peut s’étonner que l’agglomération investisse le domaine de la culture alors qu’elle se refuse toujours à participer de manière plus ample au financement des services culturels de centralité proposés par la ville de Douai tels que le conservatoire, certaines écoles ou musées déjà bien établis.
De façon générale, les plans de voirie semblent être prévus pour les cyclistes. Il serait par contre préférable que les voies secondaires aient leurs propres pistes cyclables séparées des voies de circulation et non des bandes cyclables comme cela est prévu.
Au regard des bénéfices en matière de santé publique que l’usage du vélo permet (moins de gaz d’échappement, pratique d’une activité physique, absence de nuisance sonore…) et de son rôle pour la limitation des gaz à effet de serre, il est important de reconsidérer ce choix.
Étant donné leur qualificatif (de “voie secondaire”), il semble que des sens uniques soient envisageables (rue Antonio Vivaldi, rue Lili Boulanger, rue Germaine Tailleferre, voire rue Barbara Strozzi). Ceci permettrait de dégager l’espace nécessaire à ces pistes cyclables séparées et de remplir l’objectif annoncé de la création d’un “maillage de liaisons douces et connectées”.
Les espaces verts semblent présents de façon disparates. Cependant quelques détails me semblent en limiter l’intérêt :
malgré la mention “mobilier urbain de confort”, on note que le mobilier retenu pour s’asseoir est en majorité sans dossier. Or, pour une position assise prolongée, il est préférable d’avoir un dossier et une assise courbe. Pourquoi ne pas installer quelques chaises longues également comme on peut en observer près de la maison de quartier Bois-Blancs à Lille (cf cet article sur l’aménagement écologique de la ville),
les poubelles publiques proposées permettent le tri mais semblent de très petite dimension ce qui peut à terme générer un risque de dissémination des déchets,
on note aussi la présence de plantes comestibles : les noisetiers. Il serait prudent d’éviter ces derniers étant donnée la pollution relevée sur tout le site consécutive à son passé industriel (métaux, hydrocarbures…),
un espace d’animation est prévu, l’érection d’un kiosque à cet endroit permettrait des animations quel que soit le temps (protégé du vent et de la pluie) et procurerait de l’ombre aux personnes s’y promenant.
Note annexe : La scarpe
Le dossier comportait l’état chimique jugé mauvais de la Scarpe canalisée aval et autant dire que ça fait froid dans le dos : insecticides (Lindane-HCH), pesticides (Diuron) et autres résidus et substances industrielles (Pentabromodiphenyl ether, HAP).
Amusant, ou pas, l’état chimique de la masse d’eau serait atteint sans substances ubiquistes (c’est à dire, substance à large zone de répartition). Autant dire qu’il y en a partout.
Son état biologique serait moyen et son état écologique plutôt médiocre. “Selon le SAGE de la Scarpe aval du 21 avril 2021, l’atteinte du bon état écologique naturel ne pourra jamais être atteint, en raison de coûts disproportionnés et de la faisabilité technique. Le SDAGE a alors fixé des Objectifs Moins Stricts (OMS) pour le bon état écologique général de la masse d’eau.”
Note annexe 2 : La crèche
Initialement, j’aurai proposé des plantes comestibles (un verger aurait pu être sympa), mais les résultats des sondages démontrent que c’est une très mauvaise idée…
Les analyses de sols ont mis en évidence une forte pollution du site, notamment avec des métaux lourds, des hydrocarbures avec un risque de dégazage. Étant donné qu’une crèche est présente sur la ZAC, je pense qu’il y a nécessité d’une véritable dépollution du site (et non un simple recouvrement par 30cm de “terre saine” et une toile géotextile).
Selon l’avis de l’autorité environnementale : “Les remblais pollués situés à proximité de la crèche seront évacués et il est prévu de réaliser des analyses de la qualité de l’air intérieur avant, pendant et après les travaux au sein de l’établissement.
Ces analyses devront être étendues aux composés trouvés dans les gaz de sol afin d’exclure tout risque de contamination au sein des locaux par remontée de ces derniers.”
Note rétrospective du 21 septembre 2024 :
Il s’avère que finalement, un ascenseur est prévu pour desservir la voie 4. Difficile de dire, faute de réponse à ma contribution, si cette dernière a pesé dans cet ajout.
Même si une seule voie est concernée, c’est tout de même mieux que rien. Si un escalier n’est pas ajouté, il risque d’y avoir des embouteillages le matin (étant donnée sa capacité, surtout si le pari du report de stationnement est réussi). Aussi, attention, une fois encore, à la maintenance des ascenseurs qui n’est pas la force de l’agglomération comme en témoigne celui de Gayant Expo en rade depuis des années.
Publié le lundi 29 mai 2023 à 19:15:00.