Mis au devant de la scène, lors du dernier conseil municipal de Douai, le clientélisme est une manière de faire de la politique assez courante finalement.
L’idée est d’entrer dans le jeu du lobbying économique, citoyen ou associatif. L’élu·e arbitre les moyens et/ou décisions qu’iel met en œuvre en fonction du poids qu’iel estime pour tel ou tel groupement d’intérêt ou revendication individuelle.
À ce petit jeu, forcément, on trouve des champions, dans toutes les catégories. Du lobbying économique exercé au plus près de nos député·es européen·nes au simple citoyen qui sort avec sa promesse de place de stationnement du bureau de l’édile du moment.
Le fait est que quelles que soient les idées que l’on défend, la somme des individus ou groupements épars les plus susceptibles d’être faiseurs de majorité n’a strictement aucune chance d’être alignée avec une vision politique quelconque.
Ce qui satisfait l’un·e ennuie généralement l’autre, ce qui favorise l’un·e atténue l’autre. Le clientélisme, c’est, un peu comme une politique du hasard.
Je peux comprendre que des politiques soient tenté·es par le clientélisme. A priori, satisfaire un nombre suffisant de votant·es sur la base de revendications pondérées par l’influence de chacun·e, individuellement ou groupées semble être une recette miracle pour être réélu·es.
Il y a bien-sûr les pur·es cyniques dénué·es de toute vision (souvent sans plus d’étiquette que d’éthique), mais il y a, je pense, parmi elleux des convaincu·es que la fin justifie les moyens.
À celleux-là, on peut demander quel signal démocratique envoie un·e élu·e se disant : « il vaut mieux une version de moi un peu pourrie qui repasse qu’un·e candidat·e qui n’a pas mes idées/valeurs » ?
Mais je vais aussi m’attarder sur les raisons pour lesquelles je pense que c’est, en plus, un mauvais pari tactique.
Blaise Pascal a dit : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. ».
Ainsi, la plupart d’entre nous trouvent juste de faire pression sur leurs élu·es pour obtenir ce qu’iels veulent car il leur apparaît évident qu’iels sont dans leur bon droit.
Mais, en même temps, ce que souligne Blaise Pascal est que ces mêmes personnes sont difficiles à contenter. L’être humain, éternel insatisfait, aura tôt fait de trouver une nouvelle juste cause nombriliste à défendre.
Et c’est aussi sans compter sur l’incapacité pour l’être humain de se représenter le monde tel qu’il est vraiment. Notre compréhension du monde est biaisée et, a fortiori, notre capacité à photographier le monde à un instant donné pour examiner les potentiel·les client·es à cibler en priorité est nulle.
Les personnes qui pensent que le clientélisme est la formule gagnante présument donc largement de leur capacités à connaître ce qui est.
Enfin, et c’est heureux, il n’est point possible de connaître le vote de chaque personne se rendant dans l’urne. Le clientélisme reste donc un pari…
Enfin, comme on ne peut décemment pas faire une campagne électorale en vantant le mérite du clientélisme, in fine, ce sont bien des idées et une vision qui sont mises en avant.
Au final, le clientélisme, par son incohérence idéologique intrinsèque, déçoit toutes celles et ceux qui ont voté pour des idées.
Les élu·es qui, une fois en place, cèdent au clientélisme créent chez leurs électeurices une dissonance qui les desserts dans les urnes.
Alors, si on ne peut compter sur le clientélisme pour changer le monde, que faire ? Ma réponse va peut-être sembler saugrenue aux tenant·es du statu quo : changer la vie des gens !
En effet, une fois élu·es, aussi incroyable que cela puisse paraître, on détient le pouvoir de changer les choses ! Ce n’est pas rien quand on y pense ! À condition de ne pas chasser le mandat suivant, on peut se saisir de ce dernier pour appliquer la politique à laquelle on croît et permettre aux gens d’expérimenter ses effets.
Je peux comprendre que, quand on porte une politique de droite (donc favorable à une minorité de personnes les plus aisées), le clientélisme apparaisse comme une solution idéale.
Mais pour ce qui concerne la gauche et les idées progressistes, changer la vie des gens me semble être une option viable.
D’ailleurs, la réciproque semble vraie, on peut voir qu’il y a une corrélation entre le déclin du parti socialiste et son renoncement à porter une politique de gauche qui change réellement la vie des personnes cibles.
Finalement, n’est-ce pas le but des temps démocratiques ? Permettre aux idées d’être validées par nos concitoyen·nes ?
Enfin, bien-sûr, il reste la possibilité d’influencer, de convaincre. De montrer l’exemple aussi. Je me souviens de cette manifestation à laquelle j’ai participé. Un monsieur dans l’assistance m’a dit : « On se souviendra que vous êtes venu ! », j’ai alors répondu : « C’est l’intérêt de défendre des causes universelles : elles profitent à toutes et tous. ».
C’est sur ces valeurs universelles, sur la notion d’intérêt général que les votes doivent reposer, à nous de porter cette vision.
De fait, je peux comprendre que l’on tente d’aller vite pour permettre aux personnes de percevoir les effets plus rapidement.
Mais je pense que c’est tendre le bâton pour se faire battre. Il vaut mieux s’assurer d’aller au bon endroit que d’avancer quelle que soit la direction.
Le risque est de confondre vitesse et précipitation. En fait, le clientélisme pose avant tout la question de la réélection. Mais faut-il être réélu coûte que coûte ? Pas sûr.
La professionnalisation de la vie politique est le cancer idéologique de la France. Compter sur des mandats électoraux pour vivre est le meilleur moyen de favoriser les comportements clientélistes.
Même si, on l’a vu, c’est une stratégie douteuse, l’expérience prouve que c’est la plus plébiscitée par nos élu·es.
C’est pourquoi il est urgent de limiter les mandats en durée. Des maires en place durant plus de 50 ans, ce n’est pas sérieux !
Le cumul est également un problème puisqu’il permet un clientélisme plus efficient. Le clientélisme s’auto-amplifie avec la constitution de baronnies locales.
Les maires, doublement président·es d’agglomération et de département vous le diront mieux que moi ;).
Mais ce clientélisme est parfois même institutionnalisé. Les élu·es écologistes du département du Nord ont d’ailleurs dénoncé cet état de fait avec les AIL qui permettent aux élu·es du département de distribuer des bons points sonnants et trébuchants.
D’ailleurs, pour le canton de Douai, les sommes versées en 2021 seront sûrement examinées de très près.
On est pas toujours dans l’exécutif ou même dans une majorité. Ainsi pour des élu·es dans les assemblées type département, région, conseils d’agglomération et assemblée nationale, le clientélisme se résume à faire des chèques à certaines associations en échange d’une photo souvenir.
Il existe pourtant un autre chemin : faire le travail ! Cela peut-être un travail d’opposition, chez EÉLV les exemples ne manquent pas, Stéphanie Stiernon à Douaisis Agglo, Marine Tondelier face au RN à Hénin-Beaumont et à Xavier Bertrand à la région, Damien Carême au parlement européen).
Même dans la majorité, quand on ne fait pas parti de l’exécutif, on peut être émissaire de la politique portée, faire le lien avec les habitant·es et même apporter la contradiction en interne pour faire vivre la démocratie, dénoncer les renoncements ou pratiques douteuses. Je ne m’en prive pas.
Bref, vous l’aurez compris, le clientélisme est un signe fort pour identifier les personnalités politiques gestionnaires, sans autre vision que leurs intérêts, et bien souvent donc leur réélection.
Vous pouvez être assurées que les idées qu’elles portent seront toujours mises au second plan face à la crainte de perdre leur mandat.
Ne soyons pas client·es mais parti prenant·es ! N’hésitez pas à rejoindre EÉLV Douaisis pour lutter à nos côtés contre toute forme de clientélisme.
Publié le lundi 7 février 2022 à 10:00:00.