On fait souvent le procès aux écologistes d’être anti-automobile. Pourtant, plutôt que Cassandre, c’est Paracelse que je citerai : «Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu’une chose n’est pas poison».
C’est pourquoi il nous faut 10 fois moins de voitures, 3 fois moins lourdes et à l’électricité décarbonée.
Le parc automobile français représente 38.2 millions de véhicules. Leur durée de vie est en moyenne de 10 ans.
Un des soucis majeurs de l’automobile est sont impact environnemental. Émission de polluants, lors de leur fabrication, transport, puis durant leur utilisation avec la combustion de carburant qui émet des particules, l’usure des pneus et plaquettes de frein, les fuites d’huile…
Autre inconvénient pour la collectivité, elles prennent de la place (beaucoup de place !) et nécessitent des routes et du stationnement. Aucune commune mesure avec les infrastructures que requièrent les vélos.
Et si seulement elle roulaient à pleine capacité, mais en réalité le taux d’occupation des automobiles françaises est de 1.7 sur une capacité de 4/5 personnes généralement pour la plupart des véhicules.
La voiture est également le moyen de transport le plus dangereux, vecteur de violences routières dont les attentats de Nice ont été la plus terrible illustration. Nous pourrions citer également les "go-fast" et autres rodéos urbains.
On pourrait, à raison, se poser la question de l’utilité des véhicules au vu de tous ces inconvénients.
Mais ce qui pousse les français·es à la posséder, malgré son coût exorbitant, son entretien contraignant et son usage frayeux se résume en un mot : la mobilité.
On pourrait même parler d’une extrême mobilité. D’un coup de tête, une personne bénéficiant d’une automobile peut décider de parcourir un millier de kilomètre en 12 heures à peine.
Ceci, sans contrainte administrative, sans billet, sans dépendre de personne d’autre que soi, si l’on est titulaire du permis B, bien entendu.
Bien-sûr, la bicyclette offre la même liberté, mais elle demande quelques efforts tout de même (qu’on a tendance à surévaluer, dans un pays plat comme le Douaisis) et n’offre pas la même capacité de déplacement longue distance.
Ayant vécu à la campagne sans le permis, je peux vous assurer que ce n’est pas anodin du tout.
Des transports en commun existent et sont une alternative raisonnable à l’automobile dans de nombreux cas. Je prends le train pour Lille depuis 7 ans et je m’en accommode bien. Pour les petits déplacements du quotidien, c’est le vélo.
Avec la gratuité des transports qui doit absolument se généraliser, il y a fort à parier que les transports en commun seront de plus en plus usités et c’est heureux.
Mais force est de constater que ce n’est pas suffisant, les services de secours auront toujours besoin d’automobiles pour intervenir rapidement. De la même façon, les personnes porteuses de handicap bénéficient de l’automobile et il serait criminel de les en priver.
Pour ma part, je suis valide et écologiste. Pourtant, je possède une voiture. Sous utilisée, certes. Nous l’utilisons principalement pour les courses de mes beaux parents et pour aller à Cash Boisson porter les caisses consignées. C’est aussi rassurant de se dire qu’en cas de problème de santé d’un de mes proches, je peux, en quelques minutes, me rendre au centre hospitalier de Douai pour obtenir l’aide des soignant·es.
On peut légitimement se demander s’il faut attendre simplement la fin de ce "grand soir" de la mobilité via la raréfaction du pétrole qui permet tant d’aisance dans nos déplacements pour espérer que les difficultés que posent l’automobile prennent fin.
Un peu comme dans ce sketch du Film Bowling for Columbine où un comédien se prend à imaginer un monde où les munitions coûteraient si cher qu’il faudrait des années de labeur pour projeter un crime.
Non, je pense qu’entre le laxisme coupable des défenseurs de l’automobile et les présupposés anti-voitures que des anti-écolos fantasment, il existe un juste milieu qui sanctuarise notre mobilité tout en optimisant la consommation des ressources de notre planète et en épargnant les nuisances et pollutions que l’automobile génère.
La dernière fois que j’ai regardé les chiffres, nous en étions à 43 000 morts prématurées dues à la pollution de l’air en France. Derrière ces chiffres, des personnes. Nos enfants, nous.
Il faut, à tout prix, stopper ce désastre. Aujourd’hui, la seule solution à court terme semble être l’électrique. La commission Transports et Territoire d’Europe Écologie-Les Verts a produit un très intéressant texte sur ce sujet.
Il démontre admirablement l’intérêt du véhicule électrique malgré les questions, nombreuses qu’il soulève. Il semble dors et déjà justifié de dire qu’il est préférable en terme d’émission de gaz carbonique aux véhicules thermiques.
C’est pour cette raison que nous ne nous sommes pas opposés au projet d’usine de batterie d’Envision sur le site de l’usine Georges Besse de Renault à Cuincy.
L’impact environnemental des véhicules électrique est souvent décrié, mais l’Ademe a réalisé une analyse du cycle de vie qui tend à démontrer que les véhicules électriques sont pertinents, surtout en respectant le cadre que je décris dans cet article.
Il est à noter que Valeo et Renault ont développé un moteur sans terres rares et que les innovations, notamment concernant les batteries sodium-ion, risquent bien de réduire encore cet impact (surtout vis à vis de l’extraction du Cobalt qui pose des problèmes éthiques).
Malgré tout, la question des limites planétaires et la raréfaction de certains m étaux nécessitent d’agir sur d’autres leviers : le nombre et le poids des automobiles en circulation.
La fin du SUV doit être actée. Les personnes qui achètent les automobiles neuves peuvent certainement se permettre de faire le plein (ou changer la batterie) d’un véhicule d’une tonne mais ce n’est pas nécessairement le cas des personnes qui s’équipent sur le marché de l’occasion.
On se retrouve dans des situations ubuesques où les gens ne sont plus en mesure de payer les déplacements domicile-travail, comment peut-on laisser faire la mode des SUV ?
La taxation sur le poids des véhicules doit être démultipliée pour rendre extrêmement dissuasif l’achat de SUVs, qu’ils soient thermiques ou électriques.
Le parc automobile français est, en tout temps, dans sa grande majorité, stationné. Ceci implique une très importante occupation du sol par des véhicules inertes donc inutiles à ce moment.
La seule manière d’adresser ce problème est la collectivisation des automobiles. Aujourd’hui, c’est déjà une réalité pour une fraction des déplacements : les taxis, l’autopartage, le covoiturage tentent de limiter la nécessité pour toutes et tous de posséder une voiture.
Malheureusement, cette collectivisation reste marginale, pour débloquer la collectivisation du parc automobile, il me semble que la seule solution viable est le véhicule autonome (sans chauffeur ou véhicule autonome de niveau 4 voire 5).
Ces véhicules circulent déjà depuis quelques années aux États-Unis, je pense que leur viabilité est une question de décennies (peut être une seule).
Demain, posséder une voiture relèvera du luxe (c’est déjà le cas, il suffit de compter les vélos dans les quartiers populaires pour s’en rendre compte). Mon pari est que les services tels qu’Uber sont en fait à l’affût pour déployer un immense service de transport en commun à la demande, en porte à porte.
L’investissement dans l’énorme flotte se fera très certainement par le biais des particuliers qui mettront en "gestion" leur véhicule auprès de ces services. En effet, pourquoi laisser sa voiture garée devant chez soi quand elle peut me rapporter de l’argent en faisant le taxi ?
Aujourd’hui, les personnes qui achètent des véhicules neufs sont principalement des personnes agées. On ne pourra pas leur en vouloir de s’aménager un petit complément de retraite par la même occasion.
Un des freins à la mise en gestion de son propre véhicule sera certainement le fait de le voir dégradé. Ces plateformes vont très certainement reporter leur système de notation du trajet vers une notation de l’état du véhicule afin de récompenser les usagèr·es qui respecteront les véhicules ainsi gérés.
Les infrastructures routières changent moins vite que le parc automobile (leur durée de vie est de dix à vingt ans, mais elles sont parfois renouvelées bien plus tard pour certaines rues). Il est donc urgent de penser leur évolution à l’aune de ce nouvel outil :
les projets d’élargissement des axes routiers doivent être gelés, les réfections temporisées tant qu’elles le peuvent (voir l’élargissement de la RD500 et l’échangeur de Lambres-lez-Douai),
les exigences de stationnement doivent être revues à la baisse dans les appels à projet pour l’immobilier neuf,
les sens uniques de circulation doivent être généralisés dans les quartiers résidentiels pour simplifier la conduite et regagner du terrain sur l’occupation de l’espace par l’automobile,
les parkings silos en entrée des agglomérations doivent être multipliés pour accueillir les véhicules en surplus le soir et transformés en véritables centre de recharge et entretien,
le code de la route doit être aménagé voire simplifié et les signalisations ré-examinées pour identifier en amont les potentielles difficultés d’interprétation qu’elles pourraient représenter pour les véhicules autonomes,
les stationnements résidentiels doivent bénéficier de goulottes prêtes à être câblées depuis le domicile des particuliers.
La France doit également faire évoluer son cadre législatif pour le rendre favorable aux véhicules autonomes afin d’éviter des contretemps dans leur mise en œuvre qui pourraient bien faire perdurer des situations dramatiques, notamment avec l’augmentation du coût des carburants.
Il faudra également prévoir la création de zones dédiées aux véhicules autonomes qui permettront la fin des violences routières et le redéploiement des forces de l’ordre sur des missions plus utiles.
En parlant de cadre législatif, il faut urgemment faire évoluer la fiscalité des véhicules d’entreprise. Trop de salarié·es se retrouvent avec deux véhicules devant chez eux. Un pour l’entreprise, l’autre pour soi, menant à une occupation inutile de la voirie.
Les véhicules de fonction doivent être généralisés, il n’y a aucune raison valable de faire un aller/retour pour conduire ses enfants à l’école pour enfin reprendre sa voiture de société et aller travailler en empruntant le même chemin. C’est vers cette aberration que mènent les véhicules de service.
Notre agglomération souhaite, avec l’usine Renault en orchestratrice, faire du Douaisis un pôle d’excellence industrielle pour le véhicule électrique.
J’y suis favorable pour toutes les raisons suscitées. Mais Renault doit également sortir du modèle de vente de véhicules aux particuliers et embrasser les usages de demain (ou mieux les porter) :
l’usine Renault ne peut plus être qu’une unité de production. Dans un modèle circulaire où le futur semble plutôt privilégier l’usage à la possession, les usines doivent devenir ré-entrantes et pouvoir produire un véhicule neuf comme reconditionner un véhicule accidenté ou usé, il en va de la survie de notre industrie qui devra s’adapter à un modèle ou les bénéfices seront basés sur la fiabilité et non sur la vente de véhicule. Le slogan "qui mieux que Renault peut entretenir votre Renault" prendra alors tout son sens,
Renault, et plus globalement l’industrie automobile française, doit se préparer au véhicule autonome. A minima, pour être en mesure d’accueillir les logiciels développés outre-atlantique et, idéalement, pour développer les siens. La France (et pourquoi pas le Douaisis en tête de proue), doit créer un cadre favorable aux expérimentations de ce type de transports en commun qui cumule tous les atouts,
la décarbonation de l’industrie doit également y advenir et malheureusement, sur ce point, l’utilisation du rail par l’usine Renault de Cuincy malgré des embranchements n’est pas optimale (pire la nouvelle usine de batterie Envision ne l’exploite pas du tout à ce jour).
Bref, un pôle du véhicule électrique dans le Douaisis, je dis, pourquoi pas, mais un pôle du véhicule autonome, je dis chiche !
données et études statistiques pour le changement climatique, l’énergie, l’environnement, le logement, et les transports : 38,2 millions de voitures en circulation en France,
Publié le lundi 3 janvier 2022 à 10:33:00.