Le thème de la surpopulation mondiale surgit régulièrement comme étant une des sources du réchauffement climatique et de la sur-exploitation des ressources planétaires.
À première vue, il apparaît judicieux de limiter les naissances pour limiter d’autant les émissions de CO2. C’est cependant, selon moi, un point de vue un peu naïf.
En effet, dans son dernier rapport le GIEC indique que 10% des plus riches sont responsables de 36 à 45% des émissions mondiales. On voit donc bien qu’il est davantage question de limiter les émissions de CO2 des plus riches que de limiter la croissance de la population mondiale.
Bien que moins de naissance ne seraient pas, en soi, malvenues, cela ne ne va pas résoudre le problème. En effet, si nous limitions les inégalités, de fait, la consommation des ressources diminuerait sans qu’il soit nécessaire de limiter la croissance de la population.
Ceci dit, par effet mécanique, une réduction des inégalités (et donc de meilleures conditions de vie pour les populations les plus pauvres) engendrerait très probablement une diminution de la croissance démographique des pays les plus pauvres de la planète : l’accès à l’éducation, à la contraception, à une certaine sécurité est connu pour avoir cet effet sur la dynamique démographique d’un pays (d’où la fameuse transition démographique).
Ce n’est, bien-sûr, pas une règle absolue, mais cela m’apparaît comme étant un moyen plus simple (et juste !) d’atteindre un objectif de stabilisation de la population mondiale, si l’on recherche effectivement ce but.
En France, nous n’avons pas de problème de surpopulation, bien que celle-ci augmente légèrement, les projections indiquent plutôt une stabilisation de cette dernière dans les décennies à venir.
Ceci a d’ailleurs provoqué depuis presque un siècle l’établissement d’une politique nataliste qui a rencontré un succès relatif étant donnée la natalité actuelle tout juste capable de renouveler la population.
On peut s’interroger sur la nécessité de cette politique. En effet, quel avantage à souhaiter un fort taux de natalité en France ?
Mettons de côté les raisons historiques qui ne sont dors et déjà plus valables comme l’obsession de la croissance et peut-être, en sous main, le désir inavouable de gouverner toujours plus de personnes ou, encore, la vielle habitude de former de la chair à canon pour faire face aux conflits récurrents avec une Allemagne autrefois plus dynamique en terme de natalité.
La justification contemporaine est plutôt qu’il s’agit de produire la main d’œuvre qui pourra assurer les retraites et prodiguer les bons soins dus à nos ainé·es.
Cet argument, selon moi, ne tient plus aujourd’hui. En effet, dans un profond paradoxe, nous souhaitons maintenir une population pour "sauver les retraites" alors que "dans le même temps" la retraite par répartition est sabordée.
De plus, la productivité d’une personne qui se tient sur les épaules de géant·es (comme le disait si bien Newtown), n’a rien de comparable avec la productivité en vigueur autrefois.
Enfin, en dopant artificiellement les naissances, notamment via la politique du troisième enfant, on encourage un phénomène moins connu qui veut qu’une fratrie plus grande mène à une réussite plus modeste.
Faut-il, dès lors, tenter d’accélérer artificiellement la natalité dans un pays industrialisé ?
Je pense que non. Il s’agit, comme en toute autre chose, d’aller vers du mieux plutôt que du plus. Ceci doit s’accompagner, à mon sens, de mesures à contre courant de celles qui ont cours aujourd’hui.
Des mesures qui, je tiens à le préciser, ne doivent pas être rétroactives et ne concerner que les naissances futures : dans un soucis de respect du contrat social avec nos concitoyen·nes sur un sujet aussi sérieux que la famille, mais aussi pour éviter des situations complexes pour les familles dors et déjà nombreuses.
Un excellent moyen d’aller vers le mieux, plutôt que le plus, serait, d’instaurer des prestations familiales fixes plutôt que progressives.
En effet, de mon expérience de père, j’ai pu constater que de nombreuses économies d’échelle peuvent être réalisées. Il en va également d’une égalité de traitement entre enfants de la République.
En quoi le fait d’avoir ou non des frères et sœurs devrait déterminer les moyens que l’État décide de mettre à la disposition des parents d’un·e petit·e français·e ?
Il peut en être de même pour les avantages fiscaux, par exemple. L’idée étant qu’il n’est pas utile d’encourager les naissances et de mettre le même effort pour toute naissance sur le sol français sans préjuger de leur nombre ou des conditions initiales de leur avènement.
Les avantages concernant la retraite alloués aux parents sont une forme d’aveu implicite du fait que la fonction de parent est aussi prenante qu’un métier.
Il faut dès à présent transformer ces avantages en réels points retraite pendant la durée de disponibilité prise pour élever ses enfants. Qu’ils soient plusieurs ou uniques, nos enfants méritent la présence de leurs parents à leurs côtés durant les premières années de leur enfance. Les parents, elleux, méritent que le travail d’éducation qui leur incombe soit pris en compte et traité comme ce qu’il est, un apport significatif à l’avenir de la France.
Accepter de ne plus tenter de contrôler notre démographie aura (bien que ce ne soit pas une certitude) pour conséquence, une réduction de la population française qui pourrait cependant être contrebalancée par une immigration plus intense notamment de réfugié·es climatiques que l’on imagine croissante malheureusement dans les décennies à venir étant donnée l’inaction climatique de nos dirigeant·es.
Avec un taux de natalité qui pourrait décroître La France ne risque pas de disparaître progressivement ?
Il existe cette vieille rengaine agitée par la droite de la disparition des civilisations occidentales qui ne se reproduiraient pas suffisamment rapidement au regard de l’explosion démographique que l’on peut observer sur d’autres continents et finirait par se diluer dans la masse.
Cette croyance, n’a aucun fondement autre que le fantasme d’une nation basée sur le concept de race et nous renvoyant aux périodes les plus sombres de notre Histoire.
Il n’y a en réalité dans l’idée de la Nation Française qu’une association entre un territoire, un ensemble de citoyen·nes et un socle de valeurs communes, fondatrices, communément appelé le socle Républicain.
Ces éléments sont à mon sens indépendants de la démographie, des cycles migratoires et ont plutôt trait à l’unité de la Nation. Cette unité existe et perdure tant que les citoyen·nes adhèrent à ce socle idéologique et en perçoivent les bénéfices concrets. Des bénéfices difficilement palpables pour une partie de la population actuellement. Et pourtant…
Si aujourd’hui, il fallait s’inquiéter de la pérennité de la Nation, je pense que c’est plutôt du côté des politiques de ghettoïsation, d’encouragement de l’individualisme, d’accroissement des inégalités, d’abandon du service public et d’une manière générale, de sécession des français·es les plus riches qu’il faut creuser.
Paradoxalement, ce sont principalement des personnes implantées en France depuis de nombreuses générations mais dont la quête effrénée vers plus de richesses a fini par déconnecter de l’idée de fraternité. Parfois drapés dans un patriotisme de façade, ces individus font finalement plus allégeance aux symboles plutôt qu’à ceux qui les portent, les font vivre : leurs concitoyen·nes.
Nous l’avons vu avec la crise du coronavirus, les personnes utiles à notre société sont bien souvent les moins considérées, elles sont aussi, souvent, des personnes issues des successives vagues d’immigration qui ont participé à l’édifice d’une France industrialisée.
C’est donc paradoxalement qu’un certain nombre de nos concitoyen·nes vivent comme un péril des forces vives qui sont pourtant aujourd’hui en première ligne pour faire perdurer le modèle français, pourtant si imparfait et souvent, si ingrat suite à la casse libérale orchestrée par les gouvernements successifs.
La France continuera, c’est certain, d’accueillir des vagues d’immigration successives, et il s’agirait d’ailleurs, en ce moment, de prendre notre part dans l’accueil de celles et ceux qui s’apprêtent à sombrer à nouveau, en Afghanistan, dans une période de domination patriarcale, de privation de liberté et de maltraitance généralisée.
La France, c’est certain, changera de visage au cours des siècles comme elle a changé au long de son Histoire. D’ailleurs, au delà de l’idée de Nation Française, ce sont, avant tout, des valeurs qu’il s’agit de perpétuer car liés par un destin commun, nos enfants dans toute leur diversité méritent de vivre sous les hospices bienveillants d’une France inclusive et résolument tournée vers l’avenir.
Moins de population, c’est, proportionnellement, moins de talents ?
Il est fort probable qu’une population en nombre moindre dispose, en valeur absolue, de moins de talents potentiels au sein de sa population.
Ceci dit, face à des pays dont la population dépasse le milliard, il serait vain de vouloir rivaliser en tentant de doper notre réservoir de talents de quelques dizaines de milliers d’individus au mieux chaque année.
Enfin, ce n’est pas comme si les potentiels de notre population étaient à ce jour, tous révélés et transfigurés. Moins de naissances, à budget égal, c’est surtout plus de moyens par enfants dans notre système scolaire qui malheureusement est complètement désinvesti par des logiques comptables.
Une fois encore, la qualité vaut mieux que la quantité, bien prendre le temps de permettre à chaque enfant de développer son potentiel vaut mieux que de miser sur une explosion de naissances dont une bonne part seront livré·es à elles/eux mêmes.
En conclusion, je pense qu’il faut, en démographie, comme en toutes choses finalement, accompagner et composer avec les comportements humains, suivre les désirs d’enfants et non tenter d’encourager une natalité artificielle qui n’a pour fondement que de vieilles habitudes à la dent dure (des craintes infondées et une obsession du contrôle et de la croissance) indignes des fondements républicains de notre pays.
Publié le dimanche 8 août 2021 à 10:46:42.