L'écologie dans le Douaisis, avec et pour vous !Nicolas Froidure

Projet d’usine de batterie Envision Douai

L’achat précipité via l’EPF d’une partie des terrains (20 hectares) de l’usine Renault Georges Besse par Douaisis Agglo pour la création d’une usine de batterie par le groupe chinois Envision fait l’actualité.

En effet, la consultation préalable a été lancée et nous avons toutes et tous reçu le dépliant nous informant et vantant les mérites de ce projet.

Comme je l’ai fait pour l’entrepôt Goodman, je vais donc participer à celle-ci et vous livrer le contenu de ma participation.

Bien-sûr, sur un territoire tel que le Douaisis, on se réjouit toujours, à première vue, de l’installation de nouvelles entreprises. A fortiori quand elle revendique la décarbonation du transport.

Cela n’empêche pas d’être aussi vigilant et d’être force de proposition pour informer la population et éviter les pollutions et risques qui peuvent l’être.

🔗Contexte et contours du projet

L’implantation de la future usine, si le projet se réalise, se fera donc à proximité immédiate de l’usine Renault (en fait, sur une partie de sa superficie actuelle comme l’indique l’illustration suivante). Elle devrait créer un millier d’emplois (p9 du dossier de concertation).

Site du futur projet Envision

Ce qui frappe au premier abord, c’est que ces terrains sont déjà occupés par de nombreux véhicules en stationnement, on peut légitiment se demander où ces véhicules seront stockés. Et si la perte de superficie ne va pas nuire au bon fonctionnement de l’usine Renault.

On note aussi la présence d’un grand nombre de panneaux photovoltaïques et on peut s’interroger sur leur devenir au moment où l’on doit multiplier leur présence pour assurer la transition énergétique de notre pays.

Cette future usine fabriquera des batteries Lithium-Ion (chimie NMC (Lithium-NickelManganèse-Cobalt, cf p41 du dossier de consultation) car ces dernières sont légères et plus adaptées pour la mobilité électrique (en effet, plus le véhicule est lourd, plus il a besoin d’énergie, c’est pourquoi les SUV électriques sont à proscrire).

Cependant la chimie LFP (Lithium-Fer-Phosphate) produisant des batteries plus lourdes est envisagée pour les véhicules bas de gamme. Il est nécessaire, je pense, de refuser que des véhicules en soient équipés. En effet, ceci fera qu’à véhicule équivalent, les personnes les moins aisées paieront plus cher leur énergie que les personnes les plus aisées.

On a bien vu, avec la crise des gilets jaunes, que dans un monde auto-moto-centré, l’énergie et son coût peuvent représenter une véritable source d’injustice. Il s’agit de ne pas créer les conflits sociaux de notre monde décarboné selon les fabricants automobiles.

Ce qui m’offre une transition pour évoquer les chiffres avancés sur la décarbonation. Bien entendu, le bilan d’un véhicule électrique en terme d’émissions de gaz à effet de serre est moindre. On ne peut cependant pas imaginer que substituer tous les véhicules thermiques par des véhicules électriques (ce qui en soi, n’est pas pour demain) permettra d’adresser le problème du réchauffement climatique.

En effet, une baisse de 77% selon Envision sur 31% de nos émissions (pour le remplacement total du parc français), au final, ce ne sont que 23% d’émissions de gaz à effet de serre en moins (cf p21-22 du dossier de consultation). Pour rappel, l’objectif est de diviser nos émissions par 5 en 2050.

Il faudra, également, envisager une collectivisation des transports et cela signifie mettre fin au véhicule particulier (et pour moi, il faudra nécessairement faire évoluer la législation sur les véhicules autonomes pour cela, j’y reviendrai sur ce blog).

Malheureusement, Renault semble bien encore dans un logique de vente de véhicules aux particuliers et ne donne pas l’impression de faire un effort quelconque pour développer une offre collective qui remporte l’adhésion des français·es.

Une autre petite imposture sur les arguments en faveur du projet concerne la taxe foncière des entreprises que paiera la future usine. Il y a fort à parier que, avant de se débarrasser de ce foncier, l’usine Renault payait également cette même taxe sur ce même foncier.

C’est, en fait, une remise qui est proposée aux groupes Renault et Envision qui ne paieront pas cette dernière durant la période transitoire et qui ne seront pas non plus embarrassés par les travaux de dépollution.

La collectivité prend cette dernière à sa charge (et donc à celle du contribuable) au travers de l’Établissement Public foncier jusqu’à sa mise en service en 2024 (p47).

27M€ seront également financés par la collectivité pour les bâtiments et 5M€ pour la formation du personnel de l’usine (p45).

🔗Des risques non-négligeables

Cette usine sera un site SEVESO seuil haut, contrairement aux entrepôts Goodman de la zone de l’Ermitage classés SEVESO seuil bas.

🔗Risques industriels

Le Lithium-Ion est un liquide hautement inflammable et qui rejette de nombreux polluants lors de sa combustion. Étant donné qu’uniquement pour l’usine de 9GWh, il y aura 15 camions par jour pour les matières premières (p42) et 6 pour les déchets (p52) de cette usine. Que le stockage de celle-ci sur site ainsi que du stock de produits finis sur le site Envision et Renault, il me semble crucial que les riverain·es aient bien conscience du risque.

De plus, en cas de réalisation de ce projet, ces dernier·es doivent être formé·es à réagir en cas d’accident industriel ou d’accident de la route impliquant ces nombreux camions.

🔗Risques pour notre santé

Si les nouvelles unités de production venaient à se réaliser (4 au total), nous aurons donc une cinquantaine de camions supplémentaires sur nos routes en sus de ceux de Renault, Amazon, Goodman et autres entrepôts logistiques se situant dans la région.

Il y a de quoi être circonspect quand on sait qu’en 2020, pour Douai, selon le dernier bilan annuel d’Atmo HDF les seuils de concentrations suivant n’ont pas été respectés :

  • Ozone : Valeur cible santé non respectée (120 µg/m3 en moyenne glissante sur 8 heures à ne pas dépasser plus de 25 jours/an sur 3 ans),

  • Particules PM2.5 : Objectif de qualité non respecté (10 µg/m3 en moyenne annuelle).

Les différents matériaux évoqués pour la construction des batteries sont loins d’être sans dangers pour la santé. Un attention sur leur stockage et leur transport me semble importante étant données les propriétés de ces derniers :

De plus, on apprend (p40) que la fabrication d’électrode nécessite que les matériaux soient à l’état de poudre, il est donc important que ces matériaux soient transportés dans des containers fermés hermétiquement pour ne pas en disséminer le contenu sur nos routes.

🔗Des effets néfastes pour l’environnement

L’explication du processus de fabrication appelle également à de nombreuses questions sur les risques environnementaux.

Il est, par exemple, question du refroidissement en circuit fermé de l’usine (p50). Cependant, l’évaporation de ce fluide est évoquée pour expliquer la nécessité de régulièrement amender le circuit en eau. Où s’évapore le liquide, y-t-il des risques que ce dernier soit contaminé ?

Le processus de fabrication des cellules évoque un processus de dégazage, quelle est la nature de ces gaz ? Où sont-ils rejetés ?

L’unité de filtration d’eau existante de Renault (p42) serait utilisée dans un premier temps. Toute la question est de savoir si une unité de filtration prévue pour d’autres usages peut convenir pour celui-ci. Il faut que l’agglomération soit vigilante à ce sujet.

Les bâtiments abritant du Lithium seront "sous atmosphère contrôlée avec des filtres absolus" (p44), mais on apprend, en lisant la note de bas de page qu’ils sont efficaces à 99.8%. Deux questions : que représentent les 0.2% restant en terme d’émission de polluants ? Et ces filtres que deviennent-ils puisquʼils doivent nécessairement être changés régulièrement ?

Des émissions de CoV (composés organiques volatiles) dans l’air sont également prévues (p51), mais leur nature n’est pas précisée, il semble pourtant clair que ce n’est pas la première usine de batterie du groupe, nous devons exiger plus de transparence.

Sur la même page, on apprend que les eaux utilisées pour la production de l’anode seront "récupérées et traitées" par un prestataire externe, quid de leur transport, des sécurités mise en oeuvre et des garanties d’un véritable traitement de ces dernières ?

Difficile d’en savoir plus puisquʼune pratique loi anti-terroriste empêche le quidam d’avoir des informations sur le stockage des matières dangereuses dans les sites SEVESO (note de bas de page 44)… On reconnaît la patte écologique du gouvernement Macron qui nous a produit cette circulaire en 2017.

🔗Une attention à porter sur les risques pour les salarié·es

Pour l’instant, il est prévu de faire tourner l’usine 24h/24, 320 jours par an (p44). Ceci obligera le travail de nuit dont les effets néfastes sont très largement documentés. De plus, ceci augmente le risque d’accident industriel et crée une demande en énergie qui ne peut être fournie par des panneaux photovoltaïques. Je pense qu’il peut-être intéressant d’envisager de produire uniquement la journée, a minima, de produire une étude sur l’impact financier et les bénéfices humains d’un tel engagement.

La protection des salarié·es contre les risques sur la santé et sur l’environnement que j’ai évoqué précédemment doit être également surveillée de très près. Au plus près du danger, ces personnes doivent faire l’objet d’un suivi régulier.

Enfin, pour être mieux suivies, mais aussi pour favoriser leur stabilité financière et leur situation familiale, il est important que les recrutements se fassent très largement en CDI (90% me semble un minimum).

🔗Des objectifs à porter par nos élu·es

Étant donné que l’agglomération du Douaisis offre une ligne de crédit à Renault en rachetant cette emprise, il apparaît logique que Renault et Envision puissent s’engager sur quelques points :

  • le recrutement et la formation des salarié·es doit être fait sur le territoire du Douaisis notamment pour éviter les déplacements, mais que les effets négatifs soient, a minima, contrebalancés par la création d’emploi pour la population locale concernée,

  • Envision et Renault doivent s’engager à ne pas vendre de batteries PB pour des usages de mobilité afin de ne pas créer les gilets jaunes de demain,

  • l’étude d’impact doit s’accompagner d’une analyse sincère de l’impact environnemental et social d’une fermeture de l’usine la nuit et, a minima, que le chargement des batteries en stock soit effectué grâce à des énergies renouvelables (c’est à dire le jour),

  • le transport des batteries du site de production vers le site de stockage doit être pensé de façon pérenne et non polluante (l’utilisation de chariots électriques sur rails doit être étudiée),

  • afin de faire profiter la transition écologique d’un possible stock important de batteries, une étude sur la possible utilisation de ces dernières pour réinjecter le courant dans le réseau pourrait être intéressante,

  • des garanties doivent être posées sur le transport des matières au vu de leur dangerosité notamment sur l’étanchéité des cuves et bennes amenant ces produits, sur l’utilisation de moyens de transports sûrs (comme le ferroviaire et/ou fluvial),

  • la communauté d’agglomération doit fixer des seuils sur les émissions de polluants (notamment des CoV) et des amendes importantes en cas de non respect de ces derniers, si possible avec progressivité linéaire afin d’éviter que les exploitants ne se contentent de simplement se situer au dessous des seuils, les capteurs permettant d’effectuer les mesures doivent être gérés et contrôlés par un organisme indépendant,

  • la production de batteries nécessitant de l’eau déionisée (p50), étant donné que ce processus est énergivore et consommateur d’une ressource en eau pour laquelle il y a une forte compétition entre activités économiques, il faudrait que l’usine s’engage à étudier la recuperation des eaux de pluie qui présentent le double avantage d’être peu minérales et de ne pas nécessiter de prélèvements externes,

  • le forfait mobilité durable doit être mis en oeuvre et proposé aux salarié·es de l’usine dès sa mise en service,

  • puisqu’il est impossible d’accéder aux données sur les matières stockées et les conditions de stockage, les élu·es doivent s’assurer que cela se fait dans de bonnes conditions en réclamant d’y avoir accès à intervalle régulier puisque c’est dans leur bon droit,

  • Renault doit s’engager à rejoindre toute initiative visant à standardiser les batteries et leur usage (dimensions, remplacement, protocole de charge, de décharge et de diagnostic) et, à défaut, de porter l’initiative de façon ouverte, constructive et inclusive.

🔗Sources

Publié le mercredi 24 novembre 2021 à 10:00:00.