Gouverner c’est prévoir. On peut dire que l’agglomération et le département ont tout prévu : toujours plus de trafic routier (mais alors fluidifié 🙄) dans le Douaisis.
Ce projet d’échangeur routier, en droite ligne de l’installation de l’usine Envision, est le reflet du refus de prendre en compte les résultats de l’enquête publique dans laquelle se dessinait un large consensus sur l’importance d’utiliser le transport fluvial et ferroviaire pour l’acheminement des marchandises. Le trop plein de trafic routier largement exprimé par la population n’aura donc pas fait long feu.
En plein surf sur les emplois par milliers escomptés suite à l’installation de cette usine de batterie, l’agglomération du Douaisis, dans son magazine “Le Mag” (NOV. / DÉC. 2023 - N°78), cite ce nouvel échangeur pensé pour “fluidifier” le trafic généré par la cinquantaine de camions supplementaires par jour prévus à terme.
Des camions qui auraient pu être évités en privilégiant le transport fluvial et ferroviaire (des voies existantes mènent au site).
Le balais des nouveaux salariés évoqué pour justifier le projet semble également peu pertinent puisqu’en prenant les 3300 salarié·es de l’usine Georges Besse (rebaptisée Renault Electricity) et les 1000 emplois potentiels d’Envision AESC créés à horizon 2025, on est loin des plus de 8000 salarié·es des années 1980 qui, somme toute, parvenaient à se rendre sur leur lieu de travail.
Bref, dans les 6 pages de satisfécit et de promotion institutionnelle de l’installation de l’usine Envision, ne cherchez pas de mention du transport fluvial ou ferroviaire. N’espérez pas, non plus, que soit mentionnée la consultation en cours au sujet de l’échangeur.
Le PLU de Lambres ne permettant pas l’aménagement de cette nouvelle bretelle, le projet prévoit sa révision (probablement facilitée par l’élection de Caroline Sanchez fraîchement élue).
Cependant, comme le souligne la mission régionale d’autorité environnementale Hauts-de-France (MRAe), la modification entreprise se limite à permettre le projet, sans autre forme d’évaluation de l’impact de cette modification, ni de son articulation avec le PLU existant et ses objectifs (sensé avoir une cohérence d’ensemble).
En résumé, c’est de l’ordre du pousse toi de là que je m’y mette. On reconnaît bien la patte de Christian Poiret.
La modification du PLU consiste essentiellement à déclasser deux hectares d’espace boisé classé (EBC) pour pouvoir les goudronner.
La MRAe souligne également que les études de trafic sont incomplètes et mal dimensionnées. L’impact sur le trafic dans l’agglomération n’est pas évalué. La faible prise en compte des modes doux est également pointée du doigt par la MRAe qui recommande de plancher à nouveau la question. En effet, le vélo séduit de plus en plus de salarié·es car ses bénéfices sont multiples, pour la santé et pour le budget. Ce projet doit, a minima, démontrer sa capacité à simplifier l’usage du vélo en sécurisant et facilitant les accès aux sites industriels par ce biais.
Le zéro artificialisation nette (ZAN) est d’ailleurs un impensé de ce projet, mais comment s’en étonner quand dans La Voix du Nord du 20 novembre 2023, Christian Poiret déclarait : “Le zéro artificialisation nette, cela ne se fera pas dans ce pays. J’en suis sûr.”.
N’espérez donc pas que l’on compense cette nouvelle artificialisation de terres agricoles / naturelles (classés N et A au PLU de Lambres) par quelque pansement ou renaturation, ne serait-ce que pour la forme.
Pour conclure, et peut-être résumer, ce projet comme tant d’autres dans le Douaisis, se trouve en dehors de la fameuse séquence Éviter Réduire Compenser (ERC) à laquelle désormais, il faut ajouter “Rien à secouer”.
Où est la séquence Éviter-Réduire-Compenser ?
Éviter ce projet aurait été possible si la communauté d’agglomération et le département avaient pris en compte les remarques formulées par de nombreux citoyen-nes, élu-es, collectifs, associations et partis politiques concernant l’impact de l’installation d’Envision AESC et notamment ses 50 camions par jour supplémentaires.
Trouver des solutions de transport fluvial et/ou ferroviaire (pour rappel l’usine Renault est embranchée au réseau ferroviaire) était de la responsabilité des bureaux exécutif en place au département et à Douaisis Agglo (il se recoupent, d’ailleurs).
Réduire la portée de ce projet ne semble pas être, non-plus, la préoccupation première de ce projet qui a pour seule ambition de "maintenir l’accès vélos à l’usine Renault". On sait que plus de vélos c’est moins d’autos. C’est encourager et développer l’accès vélos au site qui est nécessaire. Il devrait être plus simple et rapide d’accéder à l’usine qu’en automobile pour pouvoir, un jour, espérer, ne plus voir arriver de tels projets (2Ha d’espace boisé classé supprimés).
Compenser, ne semble pas, non-plus, à l’ordre du jour, puisque les modifications du PLU ne prévoient pas la prise en compte du zéro artificialisation nette selon l’avis de la MRAe joint au dossier.
Bref, je me joins aux autres avis :
ce projet est incompatible avec la transition nécessaire vers un monde durable,
utiliser le transport fluvial/ferroviaire devrait être la priorité pour tout nouvel aménagement,
le projet ne doit pas prendre sur des terres cultivables ou naturelles,
augmenter les installations cyclables pour les personnels des deux usines (Renault-Envision),
créer des passerelles en encorbellement sur le pont de la D425 franchissant la rocade minière,
faire la publicité de l’enquête publique (le magasine de l’agglo parle de l’échangeur mais ne cite pas la consultation),
selon l’effet rebond, ce nouvel échangeur sera un appel d’air vers plus de camion et de voitures,
ces investissements seraient mieux dirigés vers de nouvelles infrastructures pour le vélo et les transports en commun, notamment pour créer une voie de bus réservée et une voie cyclable au niveau du pont de Cambrai à Douai dans le cadre du projet de ligne B du BHNS (un budget équivalent à celui de ce projet),
pour rappel cet aménagement s’inscrit dans un paquet d’autre aménagement (pour un total de 60M€ environ, notamment la RD500) ce qui représente, pour le Douaisis uniquement, trois fois le budget vélo pour le département du Nord dans sa totalité, ceci traduit des priorités hors du temps qu’il serait temps de revoir.
Note rétrospective du 7 avril 2024 :
L’envers du décor. J’ai fait une petite ballade dominicale pour mettre une image sur ce qu’est ce projet, concrètement. Cela sentait encore l’humus malgré la disparition rapide des souches (toutes les zones brunes dans les vues ci-après étaient le bois dont parlais ma contribution). Demain, cela sentira le goudron et les gaz d’échappement. Les 200 camions supplémentaires par jour venus livrer Envision AESC à l’idée d’utiliser le rail et le fluvial pourtant à quelques mètres de là.
Publié le dimanche 26 novembre 2023 à 11:00:00.