L'écologie dans le Douaisis, avec et pour vous !Nicolas Froidure

Qui veut être Maire de Douai ?

C’est la question qui est sur toutes les lèvres à Douai ces derniers temps. Entre les rumeurs improbables lancées sur le fait que Frédéric Chéreau ne se représente pas, sur le fait que Christian Poiret veut se présenter à Douai… et les égos surdimensionnés gonflés par quelque flagornerie, difficile de dire que la société est mature pour la démocratie, ni même qu’on l’encourage à le devenir.

En effet, dans une démocratie fonctionnelle, avant de parler des personnes, on devrait parler des projets.

🔗La/le Maire, tyran en puissance

En France, les prérogatives associées à la fonction de Maire sont très étendues. Trop à mon avis. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. Par exemple, au 13ème siècle, la ville de Douai était administrée par un collectif d’échevins (à ma connaissance uniquement des hommes).

Il y aurait bien des réformes du statut de Maire à faire pour que le système démocratique communal me convienne. Lors d’une discussion avec la Maire de Seraing (ville belge jumelée avec Douai), j’ai appris qu’en Belgique, chaque électeur·ice peut voter nominativement pour un membre d’une liste, si bien que l’ordre des élu·es peut varier et la/le Maire n’est connu·e qu’à l’issue des élections (en France, iel est élu par le conseil municipal, cependant le résultat est généralement sans surprise).

J’ai appris, aussi, en discutant avec son homologue de la ville de Harrow (ville anglaise jumelée à Douai elle aussi) que la/le Maire est élu·e pour un an au sein du conseil municipal et donc renouvelé·e plusieurs fois au cours du mandat.

On le voit, ce fonctionnement vertical n’est absolument pas une évidence ni une garantie qu’une ville soit mieux administrée. Pourtant, c’est bien sur les têtes de liste que se focalisent toutes les attentions.

🔗Le pouvoir au collectif

À la question qui veut être la/le Maire de Douai, la meilleure réponse, à mon sens, commence par “nous” !

Or, dans le système actuel, cela relève, malheureusement, de la volonté du/de la Maire qui peut décider, ou non, de déléguer une partie de ses pouvoirs à ses conseiller·es ou adjoint·es.

Les responsabilités “ruissèlent” donc et l’action reste personnifiée. Le Conseil Municipal, en dernier ressort, entérine les décisions préparées en amont (les fameuses délibérations), hors décisions directes, qui peuvent être prises directement par la/le Maire (et ce même contre l’avis de sa majorité, la récente décision directe de contracter un prêt à taux variable par le maire de Douai en est un exemple).

Dans ces conditions, donner le pouvoir au collectif, demande d’être organisé avec méthode, et surtout, la bonne volonté de l’unique personne qui peut, ou non, décider de garder pour elle ou lui, le pouvoir ou de le partager : la/le Maire.

Avec de bonnes dispositions de l’édile de la commune, on peut entrer dans une forme d’activisme permettant de réinventer l’institution de façon à ce qu’elle soit plus orientée vers la délibération collective (par exemple, via la sociocratie).

🔗Les échelons du pouvoir communal

Avant de dessiner une organisation souhaitable, commençons par décrire l’organisation actuelle à Douai.

La mairie est dirigée en cercles concentriques dont le centre est le Maire de la commune :

  • Maire : chef·fe de la commune, iel exerce généralement à temps plein pour une commune de la taille de Douai (indemnisé à hauteur de 5000 € mensuels aux dernières nouvelles),

  • adjoint·es : généralement associé·es à une délégation, exerçant généralement à mi-temps car l’indemnité proposée est insuffisante pour vivre décemment sans une autre activité (1100 € mensuels),

  • conseiller·es de la majorité : bien qu’iels peuvent avoir une délégation, ce n’est pas toujours le cas, iels sont indemnisé·es également (300€ mensuels),

  • conseiller·es d’opposition : dont le principal rôle est de donner la contradiction et de faire vivre la démocratie en proposant une alternative et en formulant des critiques (indemnisé 150€ mensuels).

Au delà, il y a les différents groupes dont les élu·es sont issu·es qui peuvent être interrogés sur les politiques mise en œuvre. Il y a plusieurs écoles : celle pour laquelle quand on est élu·e, on fait ce qu’on veut et celle pour qui la légitimité venant de la base, elle doit être consultée à interval régulier.

🔗Les temps d’échange

Actuellement, les décisions prises au flux sont réalisées autour de plusieurs temps.

Publication de Frédéric Chéreau illustrant une réunion du comité de direction

Le comité de direction se réunit le lundi, il intègre le Maire et tous les directeur·ices des différents services de la commune. Difficile de définir précisément ce qu’il s’y dit, mais on peut imaginer que des points réguliers sont faits sur les différents projets et que les délibérations futures sont discutées. C’est un point aveugle pour les différentes composantes de la majorité et un des axes d’amélioration évident.

Le bureau municipal a lieu tous les mardis. Il réunit les adjoint·es de la majorité. Ce temps permet d’évoquer les affaires courantes et les différents sujets à venir.

Le groupe majoritaire réunit toute la majorité municipale une fois par mois le mercredi. Y sont évoquées les prochaines délibérations qui seront passées en conseil municipal.

Au delà de ces temps réguliers un séminaire par an est organisé permettant d’évoquer des sujets de fond (notamment le Plan Pluriannuel d’Investissement).

Enfin, des "points Maire/Adjoint·es" sont organisés régulièrement.

🔗Le rôle des services

Les services de la ville sont, sur le papier, subordonnés aux décisions politiques. Dans les faits, cependant, ce sont elleux qui détiennent la compétence technique et c’est alors un mélange de confiance, d’explication et de recherche qui permettent aux élu·es de s’assurer que les politiques impulsées sont réellement mises en œuvre.

Comme toute organisation, la ville décline sa politique sur le domaine du recrutement, de la gestion des ressources humaines, de la formation etc… elle bénéficie de moyens que la/le Maire peut mettre en œuvre pour s’assurer de l’implication des services.

Dans cet équilibre, la ou le Directeur·ice Général·e des Services (DGS) occupe un rôle central et doit être entièrement acquis à la cause politique de la majorité. C’est pourquoi, chaque changement de majorité voit le changement de la personne occupant ce rôle. De ce point de vue, la ville de Douai est une bizarrerie puisque c’est la même personne occupe actuellement cette fonction que durant le mandat de Jacques Vernier.

Dernier rôle important, la/le Directeur·ice de Cabinet qui est chargé·e d’orchestrer l’articulation entre politiques et services.

🔗Aller vers plus de collectif

Maintenant que nous connaissons bien les différents enjeux, voici les différentes mesures qui me semblent essentielles pour mettre en œuvre une décision collective.

En effet, pour que l’on puisse réunir toutes les composantes du Nouveau Front Populaire, comme les écologistes en ont formulé le souhait, les questions du partage du pouvoir et de la transparence de la décision seront centrales.

🔗Un·e Maire au service du collectif

Impossible d’aller vers plus de décision collective (et donc d’acceptation collective de ces décisions) avec un·e Maire qui se vit comme un·e chef·fe.

Iel peut, tout au plus, assumer une forme de leadership, sans toutefois oublier, et a fortiori dans une majorité plurielle, que c’est avant tout un assemblage de personnes et de groupes qui ont chacun·e leur programme, leurs idées.

Pour ce faire, je pense qu’il est nécessaire de mieux repartir le pouvoir et la représentation de la ville autour d’une cercle resserré de représentant·e de chaque sensibilité du NFP. Et cela, sans abstraire la sensibilité de la/du Maire qui est déjà représentée et ne peut l’être deux fois sans déséquilibrer fortement le groupe.

Afin de permettre une meilleure décision collective, il faut plus de transparence dans la construction de la politique de la ville. Il me semble important que chaque tête de liste de chaque sensibilité soit présente au comité de direction, a minima, en tant qu’observateur·ice.

Dans la même idée, les conseiller·es municipaux doivent avoir la possibilité d’assister au bureau municipal s’iels le souhaitent, sans toutefois pouvoir prendre la parole pour en conserver l’efficacité.

Enfin, le groupe majoritaire devrait être ouvert au collectif formé autour de la liste afin que les personnes ayant milité aux côtés des élu·es durant la campagne aient l’occasion de découvrir et mettre à l’épreuve de la base les décisions qui seront prises en conseil municipal.

Dans la même veine, le séminaire de rentrée doit leur être ouvert, ainsi, pourquoi pas, qu’aux élu·es d’opposition.

Les points Maire/Adjoint·e ne doivent plus perdurer et devenir des points collectifs avec les représentant·es de chaque sensibilité pour éviter les fantasmes sur ce qu’il s’y dit et obtenir un niveau d’information égal entre toutes les sensibilités impliquées.

Les cérémonies et autres temps avec la population doivent être l’occasion pour chaque sensibilité de s’exprimer :

  • des vœux plus collectifs avec prises de paroles des adjoint·es (comme à Pecquencourt),

  • des retransmissions en direct thématiques en lieu et place du « live » en solo actuel de Frédéric Chéreau avec pourquoi pas des questions de l’opposition (voire des participations sur des sujets précis),

  • des inaugurations plus partagées ou chaque adjoint·e représente la ville pour ses propres délégations en personne (ce qui me paraît être un minimum en terme de savoir vivre).

Même le conseil municipal pourrait être repensé avec, pourquoi pas, la création de questions/délibérations citoyennes : pétition avec 1000 signatures vaut question ou vote à l’ordre du jour du Conseil Municipal.

D’ailleurs le contenu du conseil municipal pourrait être repensé afin d’être politique immédiatement en ne parlant de l’agenda ou en ne faisant des hommages qu’en fin de séance (voir mon article sur le reste à ta place).

🔗Des services qui fonctionnent dans la transparence

Un certain nombre de démarches peuvent être mises en œuvre assez facilement comme le fait de répondre systématiquement aux demandes CADA (Commission d'Accès aux Documents Administratifs), de publier le contenu de toutes les délibérations, de ne pas supprimer l’historique des comptes rendus de conseil de quartier, de publier dès que possible la liste des subventions aux associations etc…

D’autres mesures demandent plus de temps et la mise en place d’outils comme le système de ticket ouvert décrit sur ce blog, la publication en open data de tout ce qui peut l’être : usage et inventaire des équipements (salles de réunion, de sport, des fêtes, etc…), inventaire des biens de la ville et de leur plan d’entretien/rénovation, tableau de présence des élu·es en commissions/conseils etc…

La forte défiance des habitant·es envers la politique nécessite de montrer pate blanche et de mettre à disposition des citoyen·nes les éléments pour juger avec pertinence l’exercice des responsabilités qu’iels ont confié aux élu·es.

Mais cette transparence n’est pas suffisante, il faut également déployer une pédagogie et un index permettant d’accéder simplement et efficacement au contenu qui peut être gargantuesque et parfois noyé dans un jargon politico-administratif imbuvable.

Enfin, un problème qui est souvent relevé par les services : les fameuses permanences du Maire et des élu·es en général. Encore récemment, j’entendais qu’il suffisait « d’aller pleurer dans le bureau du Maire » pour obtenir gain de cause.

Je pense qu’il est important pour les elu·es de rester sur leurs prérogatives de gestion de la politique de la cité et elle doit s’appliquer à toutes et tous.

Les permanences peuvent trop facilement glisser vers du clientèlisme. Je pense qu’elles ne sont pas une bonne chose (de plus elles gaspillent un temps précieux).

En revanche, il existe des cas particuliers que la règle traite insuffisamment et qui peuvent parfois nécessiter des aménagements spécifiques. C’est pourquoi, il est utile de pouvoir, en de rares cas, court-circuiter la règle.

Pour moi, ceci doit être uniquement à l’initiative des services de la ville, quand il y a consensus au sein du service sur la nécessité de trancher de façon spécifique et sur dossier présenté à une commission d’élu·es regroupant les sensibilités de la majorité, mais aussi l’opposition.

Récemment, nous avons vu une délibération passer en conseil municipal annulant des amendes reçues par des personnes verbalisées pour dépôt sauvage. C’est typiquement ce genre de cas qui devraient être étudiés en commission.

Autre cas, la vente de biens à des particuliers/entreprises par la ville. Il me semble important que ce type de vente se fasse toujours par la mise en concurrence de divers projets ou acheteurs.

Je pense également que la vente de biens au profit de personnes élues à la ville ou employées par celle-ci, même antérieurement, ne devrait pas être possible, et a fortiori, encore moins sans mise en concurrence (sur ce point, nous avons obtenu gain de cause, la vente du terrain de l’école Painlevé n’a pas eu lieu. Il restera utilisable pour l’école sous forme de jardin pédagogique).

Pour conclure, cela fait énormément de détails qui devraient être définis dans une charte, puis des formations, des élu·es, des services et enfin, des protocoles et processus clairs permettant une confiance accrue des citoyen·nes et une action communale plus efficace.

Aussi, j’ai volontairement exclu la démocratie participative que j’ai traité dans un autre billet. Mais son articulation avec les idées proposées ici est primordiale pour que ce ne soit pas une caution ou un moyen de se faire mousser, mais bien un prise avec le réel et un travail sincère d’acculturation à la politique, au débat contradictoire et d’association à la décision collective.

Enfin, miser sur le collectif plutôt que les individus, c’est précisément ce que les écologistes de Douai ont décidé de faire. Je vous encourage donc à participer à nos réunions que j’annonce régulièrement dans ma lettre d’information.


🔗À Poitiers, une élection sans candidat·e

Je vous propose d’écouter la démarche intéressante du collectif qui a remporté les élections municipales à Poitiers en 2020 avec la vidéo suivante.

Publié le samedi 15 février 2025 à 10:08:28.