L’écologie dans le Douaisis, avec et pour vous !Nicolas Froidure

Développer l’activité économique à Douai

Développer l’activité économique, dans une France ou la compétition entre les territoires est encouragée, est une nécessité. Dans cet article, je dessine quelques pistes pour concilier économie, écologie et solidarité à Douai.

🔗Vue globale

Le capitalisme associé à la libéralisation économique a généré un phénomène de concentration des capitaux extrêmes. Selon l’Observatoire des inégalités, la part des 10 % les plus fortunés est passée de 41 % à 47 % de l’ensemble du patrimoine des ménages entre 2010 et 2021. Le poids des 500 plus grandes fortunes professionnelles a pratiquement été multiplié par 10 en 20 ans. Elles représentaient 124 milliards d’euros en 2003 et atteignent un montant total de 1 170 milliards d’euros en 2023.

Or, cette concentration financière s’accompagne d’une possession des moyens de production donc du pouvoir économique.

Toute personne qui a été un jour salarié·e d’une entreprise capitaliste a pu constater que le pouvoir n’est absolument pas partagé, il n’est d’ailleurs pas contesté, mais plutôt pondéré, par des contre-pouvoirs (droit du travail, syndicats…).

Cette concentration s’étend au pouvoir médiatique dont les entités sont, pour la plupart, des entreprises capitalistes comme les autres. Selon Libération, rapporté par Radio France, un groupe de dix milliardaires représente 90 % des ventes de quotidiens nationaux, 55 % de l’audience des télévisions et 40 % de celle des radios. Une concentration du fameux 4ème pouvoir qui s’en prend directement aux fondements de notre démocratie (la médiatisation des affaires de Marine Le Pen ou de l’incarcération de Nicolas Sarkozy peuvent vous en convaincre).

La concentration du pouvoir économique a crée au passage une financiarisation de l’activité économique en décalage avec l’économie réelle. Avide de nouvelles possessions, cette financiarisation a entrainé un mouvement général qui est de faire basculer vers le privé des pans entiers de la gestion des infrastructures communes (transports, communications, santé, retraites, services publics…) via le consentement docile des gouvernements successifs. Parfois, pour contenter l’appetit capitaliste, on crée même des marchés de toute pièce (par exemple, dans les jeux vidéos) ou on considère comme des marchés classiques des marchés qui sont particuliers (marché de l’emploi, marché de l’électricité, de la connaissance, de la culture…).

Le dernier étage de la fusée est actuellement en cours de mise en œuvre avec l’IA qui permet désormais une nouvelle accumulation primitive, celle de l’intelligence collective humaine (voir cette intéressante conférence sur le sujet) menaçant directement des milliers d’emplois salariés.

🔗Conséquences

Les conséquences de cette hyper-concentration économique sont très palpables. Les décisions sont prises unilatéralement, loin des lieux qu’elles impactent, au regard d’une seule variable : la rentabilité économique.

Cette concentration, et la "rationalisation" qui l’accompagne, permet des économies d’échelle (mutualisation logistique, comptable, marketing, pouvoir de négociation…) mais produit de nombreuses externalités négatives pour les personnes touchées (obligation de prendre sa voiture pour consommer ou travailler, marché dirigé par l’offre (ex des SUV), entente sur les prix, standardisation de l’offre au détriment des particularismes locaux, obsolescence programmée, piètre qualité (ex de la malbouffe), incitations fortes à la surconsommation, toxicité (pesticides, PFAS, etc…)).

Une concentration délétère aussi pour le tissu économique local (dumping social/environnemental, franchises, savoir faire des artisans/commerçants perdus, perte de contrôle des conditions de leur survie…), pour l’environnement (pollutions externalisées, déchets évitables (ex consignes, suremballage), surconsommation de ressources, conception non écologique, pollution exportée…) et pour la société en général (perte de lien, moins de cotisations sociales, perte de compétence des salarié·es…).

🔗Que peut faire la commune / l’agglomeration ?

Tous ces phénomènes sont nationaux, voire globaux, mais il n’est pas question d’attendre un éventuel grand soir pour agir.

En effet, les collectivités locales ont tout de même quelques compétences qui, bien dirigées, peuvent contrer cette concentration et redonner du pouvoir économique en local.

🔗Via la commande publique

Tout d’abord, en tant qu’acheteuses, elles peuvent utiliser la commande publique pour développer le tissus économique local. Par exemple, via les clauses sociales et environnementales, il est possible, d’orienter la commande publique afin de privilégier le circuit court, le réemploi, la production locale, biologique.

Ensuite, en tant qu’investisseuses, les collectivités peuvent privilégier des choix plus favorables aux acteurs locaux. Par exemple, en rénovant (comme pour la bibliothèque Cœur de Bellain), plutôt qu’en construisant du neuf (comme pour la maison des liens de Frais-Marais ou le Centre Social du Faubourg d’Esquerchin), il est plus simple de prendre la maîtrise d’œuvre en charge en régie et d’allotir les marchés de façon plus abordable pour les PMI/PME locales.

Favoriser les entreprises gérées de manière collective permet également de s’assurer de la bonne redistribution des profits entre les différentes parties prenantes (et donc conserve la valeur ajoutée sur le territoire). Le modèle des SCICs (Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif) est de ce point de vue très intéressant car il ne donne pas seulement le pouvoir aux salarié·es, mais aussi aux consommateur·ices et les collectivités peuvent même participer à la décision et au capital de ces dernières. Un exemple à Douai est Citiz qui a récemment installé des véhicules partagés devant la gare (bien qu’à ce jour, ni la ville de Douai, ni l’agglomération ne semblent avoir participé à son capital, au contraire de la Métropole Européenne de Lille). Ces entreprises sont de surcroit reconnues pour être plus résistantes que leur homologues traditionnelles, probablement grâce à l’investissement continu dans l’outil de production et l’implication des usager·es/salarié·es dans les décisions prises.

🔗Via son pouvoir d’influence

La collectivité peut aussi organiser la cooperation et l’émulation du tissus économique local (pépinières, tiers lieux, outil de production mis en commun (voir mon article sur la consigne communale), gestion cooperative, mise à disposition de locaux).

Elle dispose aussi de leviers pour favoriser les projets vertueux : les aides au loyer peuvent être conditionnées à certaines contreparties, tout comme la location des locaux commerciaux détenus par la ville (lire à ce sujet, ma proposition pour le commerce à Douai) ou des appels à projets spécifiques.

En mutualisant certains outils (bricothèques), matériels (voir ma proposition de studio d’enregistrement au budget participatif qui évite aux associations de toutes investir dans les mêmes matériels hi-fi) ou en favorisant les acteurs du réemploi (ressourceries), les collectivités peuvent redonner du pouvoir d’achat aux habitant·es qui peuvent alors se permettre un restaurant, un achat plaisir en centre ville ou une activité de loisir plus souvent.

En majorant d’un bonus ses subventions quand il y a une mise en œuvre d’achats responsables et locaux par ses bénéficiaires (ou une politique RSE volontariste).

Il est aussi possible de favoriser les commerçant·es avec pignon sur rue en évitant que de la publicité sur du mobilier urbain ne lui fasse de la concurrence et attire les habitant·es vers la périphérie.

Enfin, en revalorisant des savoirs faire manuels comme la cuisine, le jardinage, on incite à l’achat de produits de base ce qui favorise les producteurs locaux et la vente directe (c’est aussi bon pour la santé d’éviter les produits industriels transformés).

🔗Via l’aménagement du territoire

Les collectivités peuvent aussi aménager les espaces pour favoriser les acteurs indépendants : moins de ZAC de périphérie, plus d’ilots d’activité au sein des quartiers / centre villes.

La rénovation plutôt que de grands programmes immobiliers portés par des promoteurs permet aussi de développer des cellules commerciales maîtrisées et abordable pour les commerçant·es indépendant·es.

🔗Le cas spécifique de l’industrie

L’industrie nécessite de grosses infrastructures et tout ce qui a été dit précédemment n’est plus valable à cette échelle. Il est cependant, tout à fait possible de demander des contreparties en échange des aides consenties, et surtout, de vérifier leur bonne application. C’est, par exemple, ce qui a pêché dans l’installation de l’usine Envision AESC.

🔗Pour conclure

L’économie n’est pas un gros mot, mais quand elle consiste a tout accepter, à laisser les grandes entreprises mener le jeu, elle devient punitive.

Il est temps de considérer l’activité économique comme jardin : si il pleut on ne l’arrose pas sinon oui, mais avec intelligence. On peut aussi diriger le ruissèlement des flux afin de favoriser les pousses que l’on a envie de voir grandir : entreprises locales, familiales, coopératives, économie sociale et solidaire. Ce sont ces structures qui créent le plus d’emploi et participent le plus aux recettes fiscales locales.

Il est normal que les collectivités favorisent leur développement et le maillage du territoire avec des acteurs économiques indépendants et solides sur leurs appuis, ancrés sur le territoire, participant à son indépendance et à son émancipation.

Publié le mercredi 5 novembre 2025 à 20:00:00.

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