C’est, un peu par hasard, que quelques habitant·es ont découvert le projet de création d’un entrepôt logistique de 50 000m² par l’entreprise Primelog sur la ZAC Barrois.
Il faut dire que la communication sur le sujet s’est contentée du minimum : un encart dans La Voix du Nord et Nord Éclair au milieu des annonces légales, une affichette à la mairie et un panneau dans une impasse au fond de la rue Jean Jaurès : peut mieux faire…
Selon les habitant·es, que j’ai pu rencontrer, pas d’information sur cette enquête publique dans le bulletin communal « L’Echo ». Celui d’avril n’étant, à ce jour, pas disponible sur le site Internet de la mairie.
Autre sujet, les difficultés d’accès au dossier sur le site Internet de la consultation. En effet, le certificat de sécurité du site Internet est invalide. Il est nécessaire d’avoir quelques compétences informatiques peu communes pour obtenir le fichier ZIP du dossier comme le démontre cette vidéo.
Les habitant·es évoquent notamment l’article 7 de la charte de l’environnement : «Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.».
Iels expriment du ressentiment envers leurs élu·es qui n’ont pas mis en œuvre tous les moyens à leur disposition afin de recueillir leur avis, mais surtout, de participer à l’élaboration de cette décision d’implanter des entrepôts à cet endroit.
À quelques pas d’un collège, d’une école, d’habitations et d’un site SEVESO en seuil bas (Distillerie Gayant), le projet Primelog envisage de stocker 96 000 équivalents palette de produits dangereux ou inflammables :
produits combustibles courants
produits sous température dirigée,
papier ou carton,
bois,
polymères (matières plastiques, caoutchouc, élastomères, résines et adhésifs synthétiques à l’état intermédiaires ou sous forme des matières premières),
produits dont 50% au moins de la masse totale unitaire est composée de polymères alvéolaires,
produits dont 50% au moins de la masse totale unitaire est composée de polymères classables – dont pneumatiques.
C’est un des principaux sujets d’inquiétude évoqué par les riverain·es et la Mission Régionale d’autorité Environnementale (MRaE). Notamment, l’effet combiné avec des accidents sur les sites proches.
La création de la ZAC Barrois (du nom du géologue Charles Barrois) a été décidée par délibération de la Communauté de Communes de l’Est du Douaisis (de nos jours, appelée CCCO pour Communauté de Communes du Cœur d’Ostrevent) le 30 mars 2004.
On ne peut donc pas dire que c’est une artificialisation récente sur le papier. Cependant, réaliser, en 2024, un projet pensé 20 ans plus tôt n’est pas forcément une bonne idée. Entre temps, une prise de conscience a eu lieu : la France artificialise l’équivalent d’un département tous les dix ans et ce n’est pas sans effets.
La surface totale du terrain de Primelog est de 122 803 m². Entre l’emprise au sol du bâtiment (50 335 m²), les autres surfaces imperméabilisées (routes, parkings… 38 203 m²), l’artificialisation concerne au moins 91 351 m² (74,34 % du site) selon l’autorité environnementale.
Au delà de la destruction de terres potentiellement exploitables en partie par une activité agricole, plus d’artificialisation veut aussi dire moins d’infiltration. Or, les récentes inondations dans l’Audomarois, les coulées de boue d’Auberchicourt ou les fortes précipitations de cet hiver le montrent : construire sur une zone humide, tampon naturel pour l’infiltration des eaux, créera une fragilité supplémentaire face aux aléas climatiques.
De plus, cette zone qui n’est desservie que par des routes ne permet pas la mise en œuvre d’une logistique bas carbone (ferroviaire ou fluviale). C’est non seulement un problème pour l’environnement et les nuisances engendrées pour les riverain·es, mais c’est aussi un très mauvais calcul en terme de développement économique.
Comme j’ai pu le rappeler lors du dernier café citoyen de Radio Scarpe Sensée à écouter ci-après, on sait qu’à moyen terme, et au fur et à mesure de la prise de conscience des effets du réchauffement climatique, les acteurs économiques rechercheront des transports et du stockage bas carbone.
Or avec le développement de centres logistiques connectés au fluvial et au rail (E-Valley à Haynecourt, Bils Deroo à Somain…) et le projet de canal Seine-Nord l’offre bas carbone va se développer intensivement.
Le risque est de voir ce type d’entrepôts boudés par les clients et, bien entendu, les zones humides et prairies ne nous seront pas rendues en l’état.
À ce sujet, dans le dossier, des courriers (conformément à la procédure), sur la «remise en état» du site sont adressés et adoubés par Frédéric Delannoy et Joël Pierrache (respectivement président de la CCCO et maire de Pecquencourt). Cette remise en état concerne l’évacuation des déchets, une mise en sécurité, un démontage des équipements et une surveillance du site et non pas le retour à la nature de ce dernier.
Autre point, là où l’article L. 111-18-1 du code de l’urbanisme précise que les bâtiments de plus 1 000 m² d’emprise au sol doivent intégrer un procédé de production d’énergies renouvelables, Primelog invoque un arrêté du 5 février 2020 pris en application de l’article L.111-18-1 du Code de l’Urbanisme pour s’y soustraire.
Ironie du sort, c’est donc pour avoir l’intention de stocker des produits dangereux à proximité des riverain⋅es que le site ne produire pas d’énergie renouvelable. Une facette qui eût pu être vertueuse pour ce projet, du moins, compensatrice.
Ce procédé ressemble furieusement à celui de l’entrepôt Goodman qui déjà prévoyait de stocker des matières dangereuses, cette fois, à côté d’une crèche en se soustrayant à l’installation de panneaux en toiture sauf que cette fois, la pratique est instituée par arrêté.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, le site de Primelog ne fait pas partie du carreau de l’ancienne fosse Barrois. Le site est bien plus au Nord et selon les relevés de l’enquête publique ne semble pas pollué.
L’avis de la MRaE est clair : «l’aménagement du site est actuellement occupé par des prairies en friches agricoles et milieux associés (haies, mares temporaires, fossés…» et «faute de scénario alternatif ou de variantes, le projet détruit plus de neuf hectares sur douze, dont plus de deux hectares de zones humides. Plusieurs espèces animales protégées seront impactées sans mesures compensatoires adaptées. La séquence éviter, réduire, compenser n’a pas été suffisamment déclinée et l’absence de solution alternative n’est pas démontrée».
J’ai pu, par moi-même, constater que la vie foisonne en ce lieu. Il n’aura fallu qu’une seule visite pour y apercevoir des chevreuils.
Malgré l’aménagement d’une continuité écologique préservant une partie des arbres du site, la destruction d’un habitat propice à la biodiversité sera donc à déplorer.
À ce jour, le résultat de l’enquête publique n’est pas connu. Une pétition qui a récolté environ 200 signatures a été déposée au commissaire enquêteur. Les avis déposés sur Internet et en mairie sont dans leur grande majorité défavorables.
Si par chance, ce projet ne voyait pas le jour, la question du maintient du classement en zone UE (urbaine d’équipement) se posera. À une si courte distance des habitations, probalement qu’un retour en zone N serait salutaire. Pourquoi ne pas y développer une activité agricole de type maraichage biologique ou élevage ?
Publié le mercredi 1 mai 2024 à 21:00:00.