Quand on est écologiste et que le maire honoraire de sa commune (en l’occurrence Douai), rédige non pas un, mais deux livres sur l’environnement et les énergies renouvelables, difficile de faire l’économie d’une lecture attentive de ces derniers.
J’ai donc fait l’acquisition des “Que Sais-je ?” de Jacques Vernier sur l’Environnement et les Énergies Renouvelables au Furet du Nord de Douai.
Jacques Vernier est un homme politique de droite (UDR puis RPR et enfin UMP) qui a tour à tour (ou en même temps) été maire de Douai (31 ans), conseiller régional de la région Nord-Pas-de-Calais (17 ans), député de la 17ème circonscription du Nord (4 ans), Président/Vice-Président de la Communauté d’Agglomération du Douaisis (CAD, maintenant Douaisis Agglo, respectivement 3 puis 9 ans) et enfin député Européen (9 ans).
Ingénieur de formation il s’est intéressé aux thématiques environnementales et a occupé des fonctions nécessitant une certaine connaissance de ces sujets (il occupa la présidence de l’ADEME notamment…).
C’est donc avec grand intérêt que j’ai lu ces deux livres et je vous livre aujourd’hui mes impressions.
On peut dire que Jacques Vernier a bien retranscrit une vision quasi exhaustive de l’état des connaissances sur les énergies renouvelables dans cette ré-édition.
J’avais une petite crainte, étant donné l’attitude vis à vis des énergies renouvelables des confrères/successeurs “Les Républicains” de ce dernier (notamment de l’aversion de Xavier Bertrand pour ces dernières allant jusqu’à financer les associations anti-éoliennes, 50 000€ par an), que ce livre ne soit à charge des énergies renouvelables.
Ce n’est objectivement pas le cas. Malgré quelques regrets, notamment l’absence de schémas de principe pour des concepts qui restent très techniques, ce livre est en fait un manifeste pour le développement des énergies renouvelables.
Il rappelle la baisse spectaculaire de leur cout avec notamment le prix du solaire divisé par 40 depuis les années 90 (p32). Il rappelle également que, longtemps subventionnées, les énergies renouvelables ont rapporté des milliards d’euros à l’État ces deux dernières années (p34).
Il note aussi l’étrange aversion asymétrique pour les éoliennes quand plus de 240 000 pylônes électriques jonchent le territoire français (p45) et que les nuisances sonores sont quasi inaudibles à 500m, distance des habitations à laquelle doivent règlementairement se situer les éoliennes. Le cout de l’éolien, divisé par trois en 10 ans est même désormais moins cher que le nucléaire ou les énergies fossiles (p51/52).
Il ne fait pas l’impasse sur l’intermittence (souvent décriée par les anti-EnR), mais évoque surtout les solutions existantes et en cours de développement pour y palier.
Bref, il cite également les pays qui comme le Paraguay fournissent 100% de leur électricité via hydroélectricité. Seul bémol, il ne cite pas ces pays qui ont un mix énergétique aboutissant à 100% d’énergies renouvelables toutes technologies confondues (Albanie, Bhoutan, Éthiopie, Islande, Lesotho, Népal…).
La possibilité d’une France à l’électricité 100% renouvelable est évoquée (des scénarios existent bel et bien), mais elle est mise en doute. À consommation constante voire exponentielle, le défi est tendu, mais pas en exploitant le réservoir d’économie d’énergie disponible aujourd’hui (avec des optimisations, mais surtout, la mise en œuvre de la loi de Pareto).
Enfin, quelques oublis à mon sens :
la récente découverte de gisements d’hydrogène blanc qui est, par définition, fossile mais qui pourrait aider à la transition vers l’hydrogène vert et la conversion des dernières centrales au gaz grâce à des turbines à hydrogène,
l’avenir de l’automobile et celui des énergies renouvelables pourraient bien se croiser grâce au “Vehicule to Grid” (V2G) qui semble prédestiner nos automobiles à devenir également les batteries de secours de nos logements. Au niveau mondial, on constate dors et déjà un frémissement des ventes de panneaux solaires résidentiels corrélativement à l’adoption de la voiture électrique.
Dans l’ensemble, le livre reste de qualité et vaut les 10€ investis pour toute personne souhaitant en apprendre plus sur le sujet.
Le contraste est d’ailleurs de mise avec le second livre de Jacques Vernier que j’ai moins apprécié. Un certain nombre de passages m’ont ulcérés.
Le livre commence de manière saugrenue, dès le premier paragraphe de l’introduction (p3), en citant les amish⋅es par opposition au progrès. À ce stade, je m’autorise à croire à une référence bienveillante à la comparaison mal venue d’Emmanuel Macron des écologistes avec ces dernier⋅es.
Mais les choses se gâtent ensuite. Au milieu d’une revue des différentes thématiques qu’impliquent l’environnement, quelques approximations et omissions se sont glissées.
Parmi les plus notables, une différence de traitement entre le trou de la couche d’ozone (qualifiée de certitude p33) et le réchauffement climatique (présenté comme fait de certitudes et incertitudes p35).
Je peine à voir, en quoi, cette différence de traitement peut-être pertinente hormis une forme de relativisation des effets du second. Le réchauffement climatique et le trou de la couche d’ozone sont des phénomènes prouvés scientifiquement et mesurables (aucune incertitude sur ce plan). Chacun de ces phénomènes a cependant, comme tout phénomène global, une part d’incertitudes sur les effets réels présents et ou futurs, l’incertitude, c’est la base de la science.
Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) donne l’état de la science à date sur le changement climatique en compilant tous les travaux scientifiques existants.
Parmi ces travaux, des études techniques tentent de prédire avec une fourchette qui peut changer au gré des découvertes scientifiques et/ou de l’évolution des modèles prédictifs le réchauffement global. Il y a une incertitude sur l’ampleur du phénomène et son déroulé, mais pas sur sa survenue.
Ce qualificatif différencié semble d’autant plus étonnant que l’auteur qualifie de “problème majeur de notre temps” le réchauffement climatique. Espérons une mise à jour trop précipitée et non un fond de climatoscepticisme inavoué.
Autre imprécision, la montée des eaux en 2100 serait selon l’auteur située entre une fourchette de 10 à 60cm (p36). C’est en fait vers une fourchette de 60cm à 1m10 que l’on se dirige selon le GIEC, et encore, si l’Antarctique ne fond pas en totalité (ce serait alors une élévation de 1.7m qui serait à craindre).
Autre affirmation étonnante, le remplacement du fioul et du charbon par le gaz naturel qui peut paraitre anachronique (p39) au milieu de l’évocation du nucléaire (dont la remise en cause est, malheureusement, moins partagée) et des énergies renouvelables reléguées en dernière position.
Enfin, j’ai tressailli à l’évocation de productions propres, dans la sous partie “agriculture écologique” (p84). On y parle de maitrise des pesticides et autres épandages, de produits plus ciblés (p85), d’organismes génétiquement modifiés (OGM, p85-86-87) sans jamais évoquer l’agriculture biologique, l’agroforesterie ou la permaculture ! Comme l’auteur lui-même affirme qu’il est plus “efficient de règlementer les causes que les conséquences” (p112), cette omission du bio qui évite simplement tout pesticide semble incongrue.
Ce qui précède est en flagrante contradiction avec l’évocation de la biodiversité, de la nécessité de maintenir le vivant et notamment les insectes pollinisateurs actuellement en déclin massif à cause de l’agriculture conventionnelle (p92-93).
Dans les cours que je donne au sujet du numérique responsable, je commence par élargir la focale pour parler du sens de l’écologie et du contexte dans lequel nous sommes (la présentation est librement accessible). Bien entendu, nous évoquons la théorie de l’évolution car elle explique pourquoi la biodiversité doit être préservée, pas uniquement à cause des interdépendances entre espèces, mais aussi et surtout, à cause de la lente évolution qui les a produites et qu’il serait illusoire de songer reconstituer. Ces milliards d’années d’évolution son perdues à jamais, c’est bien là que se trouve le drame de l’extinction des espèces.
Petite note positive, l’Affaire du siècle est citée dans les exemples de recours juridiques. Cette association a exercé un recours contre l’État français (notamment avec Marie Toussaint, tête de liste écologiste pour les européennes 2024).
Vous l’aurez compris, je ne vous recommande pas ce livre comme le précédent qui ne traite pas le sujet de l’environnement dans toutes ses dimensions ou avec suffisamment d’exhaustivité pour embrasser la logique Éviter Réduire Compenser. Il reste bien trop environnementaliste à mon goût, la nature n’y occupe qu’une part congrue alors qu’elle est finalement la base de l’environnement, ou du moins, de l’intérêt de le préserver.
La petite biographie au dos des deux livres ne fait aucune référence au parcours politique de Jacques Vernier. Aucun des deux livres ne fait référence à Douai ni aux potentielles réalisations de ce dernier durant ses divers mandats.
Est-ce à dire que le tableau de l’action n’est pas aussi reluisant que celui de la prescription ? Sans doute un peu. Bien que l’on ne puisse pas renier le fait que la cyclabilité de la ville de Douai soit en grande partie le fait des mandats de Jacques Vernier, le développement du commerce de périphérie, du transport routier ou les gigantesques efforts de rénovation énergétique restants à faire prennent tout de même aussi leurs racines à un moment où monsieur Vernier regardait, lui aussi, ailleurs.
Une inaction moins coupable hier, certes, mais quand on se veut précurseur, je pense que l’on doit aussi se montrer exemplaire. De ce point de vue, je pense qu’une fois de plus, l’écologie sans écologistes reste une chimère.
Reste donc un livre intéressant, un autre qui l’est moins, un monde qui va vers +3 degrés et un pari, après nous être posé la question du “Que sais-je ?” passons au “Que fais-je ?”.
Une conférence était organisée par le Festiplanète afin de faire un bilan entre la première édition du livre et la 8ème trente ans plus tard.
J’ai posé la question de l’absence de mention de l’agriculture biologique dans la section "Produire propre > Agriculture" qui était un non sens puisque précisément, de l’aveu de l’auteur lui même, l’agriculture conventionnelle provoque des pollutions diffuses difficiles à juguler. Or, dans la séquence Éviter-Réduire-Compenser, l’agriculture biologique évite tout simplement l’utilisation des pesticides ce qui en fait un allié de choix pour les amoureux de l’environnement. Jacques Vernier n’a pas pu me répondre sur ce point, je lui ai suggéré de ne pas faire l’impasse sur celle-ci en cas de réédition.
D’autres questions ont été soulevées par le public et le présentateur de Radio Scarpe Sensée, notamment sur le glyphosate et le nucléaire mais ces questions ont été éludées au principe que ces sujets étaient complexes et que l’auteur n’avait pas de religion en la matière.
L’autorisation du glyphosate serait, selon lui, validée par des experts. C’est le cas pour ceux de la commission européenne (EFSA), mais ils sont bien isolés si l’on considère que de nombreux organismes scientifiques dans le monde le classent en cancérigène (probable selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC)). On peut mettre en lumière également les co-produits, co-formulants et adjuvants qui ne sont pas analysés par les agences alors qu’ils sont bien présents dans le produit final pulvérisé sur les terres agricoles.
Malgré des désaccords sur le fond, je salue la forme, les Répulicains seraient bien inspirés de s’intéresser à l’environnement comme Jacques Vernier. On en viendrait presque à être nostalgiques de la droite du passé 😅.
Nous n’avons d’ailleurs pas échappé à quelques sorties lunaires d’une personne se félicitant que le GIEC n’ait pas été évoqué et une autre regrettant le militantisme écologiste. Il reste du travail à faire pour éveiller certaines consciences.
Publié le mardi 19 décembre 2023 à 11:00:00.