L'écologie dans le Douaisis, avec et pour vous !Nicolas Froidure

SERM : Étoile ou croissant pour les Hauts-de-France ?

Évoqué pour la première fois en 2010, le projet de Service Express Régional Métropolitain (SERM Hauts-de-France) entre dans une nouvelle phase de consultation du 19 septembre au 30 octobre 2024.

🔗Le projet

Ce projet dont la mise en oeuvre effective devrait s’étaler jusqu’en 2040 vise à "améliorer la mobilité dans notre région". Pour ce faire, selon le dépliant distribué en gare, le projet s’appuiera sur :

  • le doublement de l’offre de train depuis et vers Lille et "entre les pôles régionaux",

  • le développement d’offres de mobilité pour accéder aux gares (à pied, à vélo, en transport public ou en voiture),

  • l’aménagement et le développement des quartiers de gare.

L’objectif, à première vue, est louable. Améliorer la fréquence et la régularité des trains ne peut-être que bénéfique. D’autant que, toujours selon ce dépliant, cela passera par :

  • des travaux sur le réseau ferré existant afin de "l’améliorer et de l’adapter",

  • une voie nouvelle entre Lille et le bassin minier,

  • deux nouvelles gares souterraines (une dans le quartier EuraFlandres à Lille et une autre à l’aéroport de Lille-Lesquin).

Selon les promoteurs du projet, ceci permettra :

  • une fréquence plus élevée en heure de pointe,

  • des arrêts plus fréquents en zone dense,

  • des horaires plus fournis et plus réguliers,

  • une offre identique dans les deux sens depuis et vers Lille,

  • un service incitatif tout le week-end.

Un projet, à première vue, très centré autour de la métropole lilloise. D’ailleurs, sur le dépliant, aux côtés du logo du Préfet des Hauts de France et de la région, seul figure celui de la MEL… pourtant, aussi bien Douaisis Agglo que les agglomérations d’Hénin-Carvin et de Lens-Liévin sont concernées.

Manque de concertation ou manque d’investissement de ces agglomérations ? Le dépliant ne permet pas de le savoir.

🔗Les lacunes

Ma crainte quand à ce projet est que la concentration des investissements sur une intensification du trafic vers et depuis la métropole Lilloise amplifie un phénomène déjà bien à l’œuvre. En effet, la gentrification des métropoles et la paupérisation des villes moyennes est bien connue. Ses effets concrets se font sentir ici à Douai.

La demande de pouvoir se rendre en métropole facilement et rapidement est bien réelle, mais, en accompagnant ce phénomène, sans tenter d’équilibrer les infrastructures qui desservissent les autres villes, entre elles, le risque est d’amplifier la concentration en métropole des services, des activités économiques et culturelles pourtant déjà très (trop ?) forte.

Pourtant, les habitant⋅es de la métropole lilloise les premier⋅es le disent : cette ville est bien trop bétonnée et manque de parcs (voir les manifestations autour de la friche Saint-Sauveur). Pourquoi, dès lors, encourager les mouvements pendulaires vers et depuis Lille quand le taux de vacances dans les villes moyennes est élevé ?

Photographie de la ligne Douai/Cambrai en travaux au niveau d’Aubigny-au-Bac Des lignes comme Douai-Cambrai, Arras-Lens, Arras-Valenciennes, Lens-Hazebrouck mériteraient d’être alignées sur le même niveau de service que les lignes partant de Lille avant d’amplifier encore la différence de service entre des liaisons de type Lille-Douai et Douai-Cambrai.

La ligne Douai-Cambrai, encore en rénovation, mériterait d’être doublée. En effet, pour avoir pris cette ligne au départ d’Arleux pendant plusieurs années, je peux témoigner du fait que la moindre panne provoque des retards importants (voire des annulations).

Autre point noir du projet selon moi, la création d’une nouvelle ligne qui semble orientée de façon à permettre un accès plus pratique à un mode de transport carboné et voué à décroître si nous voulons respecter nos objectifs climatiques.

Plan du projet SERM (Octobre 2024)

Une observation attentive du tracé permet de comprendre que c’est ce seul trajet qui fait exception au développement de "l’étoile". Ici, on prend l’avion directement, sans passer par Lille.

Enfin, actuellement, un trajet direct Lille-Douai prend 20 minutes, ce qui est bien moindre que certains trajets en métro depuis la périphérie lilloise (raison pour laquelle j’ai coutume de dire que Douai est le meilleur quartier de Lille). Faut-il gagner 5 minutes sur ce trajet ou plutôt sur Douai-Cambrai ou Douai-Lens ?

La principale raison de l’insatisfaction des voyageur·euses n’est pas le temps de trajet, mais bien le fait de devoir voyager debout pendant tout le trajet une fois sur deux. Et pour cela, il faut des rames supplémentaires, pas besoin de concertation.

🔗Une vision pour le territoire

En aménagement du territoire, il y a deux manières de penser :

  • accompagner le mouvement,

  • imprimer une vision.

Il me semble que la démarche du développement en étoile a montré ses limites avec le RER parisien qui aujourd’hui seulement, démarre les travaux de la couronne périphérique de son RER. Que de temps perdu !

Nous ne sommes pas condamnés à faire les mêmes erreurs. Le développement territorial ne doit plus se faire autour d’un unique point central, mais plutôt d’un réseau de centralités. Notre région a de nombreuses villes qui peuvent jouer ce rôle, saisissons cette opportunité.

🔗L’alternative : développer le croissant

Plutôt qu’un développement en étoile, il me semble plus judicieux de renforcer le croissant formé entre Valenciennes, Lille et Hazebrouck dans un premier temps, puis, pourquoi pas, en second rideau, entre Hirson, Amiens et Calais via la création de nouvelles lignes TER.

Cette solution sert une vision qui me tient à cœur : le rééquilibrage territorial.

Pour que les entreprises décident de s’installer à Douai, Cambrai, Lens… plutôt qu’à Lille, elles doivent avoir l’assurance que leurs salarié⋅es pourront de rendre sur leur lieu de travail de façon rapide et efficace (et on ne fait pas mieux que le train pour cela à condition d’y mettre les moyens).

Plutôt que de se laisser porter par le courant centralisateur, il faut amorcer la pompe du rééquilibrage. Et pour ce faire, l’État et les collectivités ont de nombreux atouts en poches : incitation à la création de succursales dans les villes moyennes, décentralisation des services (État, région, département)…

Dans cette configuration en croissant, Lille reste central, mais un équilibre se crée pour former, peut-être, à terme, un cercle en interconnectant les villes moyennes françaises et wallonnes.

🔗En conclusion

Je pense que la nouvelle ligne, étant donné son cout et les objectifs qu’elle dessert devrait être abandonnée.

Les crédits du projet SERM devraient être ré-orientés vers un équilibrage des capacités du réseau ferroviaire sur le territoire (le fameux croissant).

Les gares nouvelles devraient être reconsidérées à l’aune des paramètres de ce nouveau périmètre. La perspective d’une gare de délestage du trafic de l’A1 peut être une bonne idée, mais attention, les usager⋅es se trouvant sur la A1, devront changer de disposition en court de trajet, ce qui n'est pas nécessairement garanti (d'autant que la MEL s'est fait hara-kiri en renonçant aux ZFEs). L'approche des parkings relai en bordure de ville me semble plus a propice à une utilisation massive des transports en commun en report modal.

Publié le vendredi 18 octobre 2024 à 10:00:00.