Mercredi 18 décembre, une réunion publique a été organisée par le promoteur pour répondre aux questions légitimes des habitant·es sur le projet.
Tout d’abord, je tiens à le préciser, c’est grâce à l’impulsion de Stéphanie Stiernon, élue écologiste de Douai (maire adjointe à l’urbanisme) que se tiennent, désormais, pour tout projet d’ampleur, des réunions publiques de ce type.
C’est ainsi qu’ont eu lieu pour chaque friche (Peugeot, Renault, Opel, Leroy Merlin, le Petit Moulin…) des réunions qui ont permis aux riverain·es de demander des ajustements et de ne pas se réveiller, un beau matin, avec un chantier sous leurs fenêtres dont iels n’avaient pas été informé·es.
En effet, ces réunions permettent aux habitant·es de s’approprier le projet, de comprendre les enjeux liés à de tels programmes, et, surtout, d’influer sur ces derniers. En démocratie participative, comme en amour, des preuves valent mieux que des déclarations.
Ce projet était un peu devenu l’arlésienne des Douaisien·nes. En effet, malgré 1.3M€ d’argent public indirectement injecté dans cette opération (par le biais d’un rachat à 3.8M€ par l’agglomération et la revente au promoteur pour 2.5M€), ce projet, initié en 2012, n’a toujours pas abouti en 2024.
Nous avons bien pu apercevoir quelques travaux (notamment de peinture au moment des départementales de 2021), mais bien loin de ce qui était prévu initialement.
Fort d’une nouvelle garantie d’emprunt endossée par l’agglomération à hauteur de 50% de 12.96M€, le promoteur nous annonce un aboutissement du projet à l’été 2026.
On peut dire que cette réunion fût instructive. On a pu notamment connaitre les contours du projet.
Face aux questionnements sur l’existence d’une clientèle pour ce type d’établissement, le promoteur se dit confiant et fort de son expérience pour l’établissement de Valenciennes (le Royal Hainaut) qui est un projet tout à fait similaire.
Les tarifs pour une chambre devraient osciller selon la période entre 150€ et 200€. Un total de 60 chambres seront disponibles. Un SPA, un hammam et même une piscine seront créés et ouverts au public moyennant l’achat d’une des prestations proposées par l’hôtel (le promoteur a cru bon de préciser que ce n’était « pas non plus une piscine municipale »).
Son ouverture prévue en octobre 2026 devrait créer 70 emplois directs (j’ai donc conseillé de se rapprocher du lycée Elisa Lemonnier, anciennement Rabelais, pour des recrutements locaux).
J’ai demandé si la clientèle pourrait venir en vélo et le promoteur a répondu par l’affirmative. Des arceaux vélo seront prévus ainsi que la possibilité de stocker les vélos des client·es y passant la nuit dans un endroit fermé plus sécurisé.
Au total, 118 logements (78 T1, 38T2 et 2 T3) seraient créés dans le bâtiment.
A priori, les logements, comme l’hôtel, seront accessibles au plus grand nombre grâce à des rampes d’accès et 4 ascenseurs.
J’ai eu la confirmation de la présence d’un local vélo de ce côté aussi. Une pente douce menant à ce local en cave sera aménagée rendant facilement accessible celui-ci.
Le promoteur interrogé sur le manque de stationnement a d’ailleurs affirmé que c’était le pari : un usage facilité du vélo pour palier au manque de stationnements et qui correspondrait à la typologie des logements proposés.
J’ai tout de même demandé si, sur les stationnements prévus, la recharge électrique serait possible. Le promoteur a répondu par l’affirmative, 20 bornes devraient être installées et toutes les places de parking équipées de goulottes pour suivre le développement de la voiture électrique.
À ma question sur le traitement des eaux pluviales, il a été répondu que l’infiltration à la parcelle était de mise avec des revêtements adaptés et que l’eau de pluie serait récupérée pour l’entretien des jardins.
Les services d’un écologue auraient même été sollicités. Cependant, à la question concernant les arbres qui ont été coupés, l’habituelle réponse en pareil cas a été formulée : il étaient malades.
L’éclairage aurait également été prévu pour ne pas nuire aux animaux nocturnes (notamment les chauves souris). Bref, on peut dire que sur ces points écologiques, le promoteur avait réponse à tout.
En revanche, il s’est montré catégoriquement contre l’installation de panneaux solaires sur ce monument historique. On peut le comprendre (même si cela s’est déjà fait comme en témoigne la vidéo ci-après), mais quand j’ai suggéré que la création d’ombrières photovoltaïques pourrait joindre l’utile à l’agréable, je n’ai pas eu de réponse. La présence de goulottes pourra cependant permettre, par la suite, l’installation des dites ombrières avec les nouvelles bornes, croisons les doigts.
Une question sur le fait que des étudiant·es pourraient provoquer des nuisances sonores a ébréché, selon moi, le bien fondé de l’appellation « résidence étudiante » donnée à une des ailes du bâtiment. En fait, il s’agira simplement de logements T1 loués (ou non) à des étudiant·es. Aucun service prévu spécifiquement pour elleux.
Il y a fort à parier que peu d’étudiant·es se retrouveront dans ce bâtiment car les bailleurs privés qui auront investi dans ces logements préfèreront probablement des locataires de plus longue durée. À moins que le papa ne défiscalise pendant que le chérubin étudie…
De nombreuses questions ont concerné le chantier. Une personne a demandé si des personnes issues de l’économie sociale et solidaires avaient été recrutées. Le promoteur a répondu que non, pour des raisons de savoir-faire.
Le chantier nécessitera le passage de poids lourds régulièrement et suscitait des interrogations quand à la proximité immédiate de l’école privée de Saint-Jean. Des parcours spécifiques et des horaires aménagés sont prévus afin de limiter les problèmes, mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs et ce chantier ne fera pas exception, il portera son lot de désagréments.
Espérons simplement qu’il aboutisse rapidement. Selon le promoteur, il resterait encore 62 logements à vendre.
Une question m’a été posée sur le bien fondé de ce projet et sur sa viabilité sur le long terme.
Honnêtement, je suis perplexe, mais ce n’est pas mon métier, peut-être que je me trompe. Le promoteur a l’air sûr de lui.
L’agglomération a prit le risque de privilégier ce dernier, espérons donc que ce dernier fonctionne comme prévu.
Ma limite le concernant, c’est de mettre de l’argent public dedans, et pas qu’un peu. Au delà de l’adossement de prêts et du différentiel en prix d’achat et de cession, il y a aussi toute la défiscalisation que permet l’opération.
En effet, la défiscalisation pour rénover un monument historique est incomparablement avantageuse. De l’aveu du promoteur, une personne qui paie des impôts peut bénéficier quasi gratuitement d’un appartement grâce à celle-ci.
Et, en même temps, qui peut se permettre d’acheter de si petites surfaces à un tel prix (189 000€ pour 29m² à Douai…) ?
Bref, de l’argent public qui sert directement à concurrencer les autres entreprises du secteur privé qui n’ont pas eu cette chance.
On ne va pas souhaiter que le projet se plante (surtout que cela pourrait couter très cher à l’agglomération, soit 6M€ de garantie). Mais pourquoi ne pas imaginer une autre utilisation de ces deniers publics (mais aussi de l’argent non-perçu pour cause de niche fiscale).
À l’origine, ce lieu abritait des personnes âgées qui ont depuis été envoyées en périphérie, derrière l’hôpital de Dechy. Nous aurions pu conserver cette destination, ce qui aurait permis à ces personnes de profiter de la proximité du centre ville (ou en faire des béguinages, comme ce qui est prévu pour la Caserne Caux).
Une véritable résidence étudiante auto-gérée en SCIC couplée à un tiers lieu et pourquoi pas une pépinière d’entreprise, à deux pas de la gare, auraient également pu magnifier le lieu et le rendre accessible à une majorité de Douaisien·nes (à la façon d’Euratechnologies).
De tout cela, il n’a jamais été question, malheureusement. Mais cela permet, tout de même, de mesurer ce que signifient toutes ces niches fiscales qui programment notre incapacité à rénover notre propre patrimoine avec de l’argent public car nous préférons en faire des niches afin que le patrimoine des personnes les plus aisées puisse enfler du notre presque mécaniquement.
Alors, on se consolera, en allant, à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine, visiter ce lieu qui sera alors, et alors seulement, ouvert à toutes les bourses. On y touchera du doigt, enfin, ce lieu qui eût pu, dans une réalité parallèle, être un joyau public au service du public.
Dans une réalité parallèle, ou, pourquoi pas, future, quand notre pays sortira de son asservissement aux ultra-riches et de sa défiance vis à vis du collectif et du service public.
Publié le samedi 28 décembre 2024 à 17:00:00.